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LES ILES FALKLAND.

après une maladie de trois mois, il était allé chasser des bestiaux sauvages et qu’à la suite il eut une telle courbature, qu’il fut obligé de garder le lit pendant deux jours. Ceci prouve que les Gauchos doivent réellement exercer une violente action musculaire, bien qu’ils ne semblent pas le faire. Chasser les bestiaux sauvages, dans un pays si difficile à traverser à cause des nombreux marais qui l’entrecoupent, doit constituer un exercice très-fatigant. Les Gauchos me racontent qu’ils traversent souvent au galop des endroits où il serait impossible de passer au pas ; c’est ainsi, d’ailleurs, qu’un homme muni de patins arrive à passer sur de la glace très-mince. Les chasseurs font tous leurs efforts pour s’approcher le plus près possible du troupeau sans être aperçus. Chaque homme porte quatre ou cinq paires de bolas ; il les jette l’une après l’autre à autant d’animaux ; une fois atteints, on les laisse là pendant quelques jours pour que la faim et les efforts qu’ils font pour se dégager les affaiblissent. On les remet alors en liberté et on les pousse vers un petit troupeau d’animaux apprivoisés qu’on a amenés auprès d’eux dans ce but. Le traitement qu’ils ont subi leur a inspiré une frayeur telle, qu’ils n’osent pas quitter le troupeau, et on les conduit facilement à l’habitation, en admettant toutefois qu’il leur reste assez de force pour faire le chemin.

Le mauvais temps continue sans interruption ; aussi je me décide à faire une très-longue étape pour atteindre, s’il est possible, le vaisseau pendant la nuit. Il est tombé tant de pluie, que le pays tout entier n’est plus qu’un immense marécage. Mon cheval s’abat une douzaine de fois au moins ; quelquefois nos six chevaux se débattent dans la boue qui leur monte jusqu’au poitrail. Le moindre ruisseau est bordé de tourbières ; aussi, quand le cheval saute, s’abat-il en atteignant l’autre bord. Pour mettre le comble à nos misères, nous sommes obligés de traverser la pointe d’un bras de mer ; c’était au moment de la marée haute, l’eau montait jusqu’à la croupe de nos chevaux, et la violence du vent était telle, que les vagues venaient se briser sur nous en flocons d’écume ; nous étions trempés et tout grelottants de froid. Les Gauchos eux-mêmes, habitués à toutes les intempéries des saisons, exprimèrent une vive satisfaction quand nous atteignîmes enfin les habitations.


La structure géologique de ces îles offre, sous tous les rapports, la plus grande simplicité. Les basses terres se composent d’ardoise