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LE SANTA CRUZ.

méridionale, on le trouve dans les Cordillères depuis le détroit de Magellan jusque par 8 degrés de latitude nord de l’équateur. Sur la côte de la Patagonie, sa limite septentrionale est la falaise escarpée qui se trouve près de l’embouchure du rio Negro ; en cet endroit le condor s’est écarté de près de 400 milles de la grande ligne centrale de son habitat dans les Andes. Plus au sud, on rencontre assez fréquemment le condor dans les immenses précipices qui entourent le port Désire ; bien peu cependant s’aventurent jusqu’au bord de la mer. Ces oiseaux fréquentent aussi une ligne de falaises qui se trouvent près de l’embouchure du Santa Cruz et on les retrouve sur le fleuve à environ 80 milles de la mer, à l’endroit où les côtés de la vallée affectent la forme de précipices perpendiculaires. Ces faits sembleraient prouver que le condor habite de préférence les falaises taillées à pic. Au Chili, le condor habite pendant la plus grande partie de l’année les bords du Pacifique, et la nuit ces oiseaux vont se percher plusieurs ensemble sur le même arbre ; mais au commencement de l’été ils se retirent dans les parties les plus inaccessibles des Cordillères pour se reproduire en toute sécurité.

Les paysans du Chili m’ont affirmé que le condor ne construit pas de nid ; au mois de novembre ou de décembre la femelle dépose deux gros œufs blancs sur le rebord d’un rocher. On dit que les jeunes condors ne commencent à voler qu’à l’âge d’un an ; longtemps après encore ils continuent de se percher la nuit près de leurs parents et de les accompagner le jour à la chasse. Les vieux oiseaux vont généralement par couples, mais au milieu des roches basaltiques du Santa Cruz j’ai trouvé un endroit qu’un grand nombre de condors doivent fréquenter ordinairement. Ce fut pour moi un magnifique spectacle, en arrivant tout à coup au bord d’un précipice, que de voir vingt ou trente de ces grands oiseaux s’éloigner lourdement, puis s’élancer dans l’air, où ils décrivaient des cercles majestueux. La quantité de fiente que j’ai trouvée sur ce rocher me permet de penser qu’ils fréquentaient depuis longtemps cette falaise. Après s’être gorgés de viande pourrie dans les plaines, ils aiment à se retirer sur ces hauteurs pour digérer en repos. Ces faits nous permettent de penser que le condor, comme le gallinazo, vit jusqu’à un certain point en bandes plus ou moins nombreuses. Dans cette partie du pays ils mangent presque exclusivement les cadavres de guanacos morts naturellement, ou, ce qui arrive plus souvent, ceux qui ont été tués par le puma. D’après ce que j’ai