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LE BANDA ORIENTAL.

faire observer en passant, toutes les nations sauvages aussi bien que les peuples les plus policés. Je ne savais trop quelle foi ajouter à cette histoire, mais dès que je l’eus racontée au docteur Andrew Smith, au cap de Bonne-Espérance, il me dit qu’il se rappelait avoir trouvé, sur la côte orientale de l’Afrique méridionale, à environ 100 milles à l’est de la rivière de Saint-Jean, des cristaux de quartz dont les angles étaient usés par le frottement et qui se trouvaient mélangés à du gravier sur le bord de la mer. Chaque cristal avait environ 5 lignes de diamètre et une longueur de 1 pouce à 1 pouce et demi. La plupart d’entre eux étaient percés d’une extrémité à l’autre par un petit trou parfaitement cylindrique et de largeur suffisante pour laisser passer un gros fil ou une corde à boyaux très-fine. Ces cristaux sont rouges ou blanc grisâtre, et les indigènes les recherchent pour s’en faire des colliers. J’ai rapporté ces faits, bien qu’on ne connaisse aujourd’hui aucun corps cristallisé qui affecte cette forme, parce qu’ils pourront donner l’idée à quelque futur voyageur de rechercher quelle est la véritable nature de ces pierres.

Pendant mon séjour dans cette estancia, j’étudiai avec soin les chiens bergers du pays, et cette étude m’intéressa beaucoup[1]. On rencontre souvent, à une distance de 1 ou 2 milles de tout homme ou de toute habitation, un grand troupeau de moutons gardé par un ou deux chiens. Comment une amitié aussi solide peut-elle s’établir ? C’était là un sujet d’étonnement pour moi. Le mode d’éducation consiste à séparer le jeune chien de la chienne et à l’accoutumer à la société de ses futurs compagnons. On lui amène une brebis pour le faire teter trois ou quatre fois par jour ; on le fait coucher dans une niche garnie de peaux de mouton ; on le sépare absolument des autres chiens et des enfants de la famille. En outre, on le châtre ordinairement quand il est tout jeune encore, de telle sorte que, devenu grand, il ne peut plus guère avoir de goûts communs avec ceux de son espèce. Il n’a donc plus aucun désir de quitter le troupeau et, de même que le chien ordinaire s’empresse de défendre son maître, l’homme, de même celui-là défend les moutons. Il est fort amusant d’observer, quand on s’approche, avec quelle fureur le chien se met à aboyer et comment tous les moutons vont se ranger derrière lui, comme s’il était le

  1. M. A. d’Orbigny a fait des remarques à peu près analogues sur ces chiens. Vol. I, p. 175.