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RHYNCHOPS NIGRA.

rana ; on dit qu’ils y restent pendant toute l’année et se reproduisent dans les marécages qui le bordent. Pendant la journée, ils se posent en bandes sur le gazon des plaines, à quelque distance de l’eau. À l’ancre, comme je l’ai dit, dans une des criques profondes qui séparent les îles du Parana, je vis tout à coup apparaître un de ces oiseaux au moment où l’obscurité commençait à devenir profonde. L’eau était parfaitement calme, et de nombreux petits poissons se montraient à la surface. L’oiseau continua longtemps à voler rapidement à la surface, fouillant tous les recoins de l’étroit canal, où les ténèbres étaient complètes, et à cause de la nuit qui était venue, et à cause du rideau d’arbres qui l’assombrissaient encore. J’ai vu à Montevideo des bandes considérables de Rhynchops rester immobiles pendant le jour sur les bancs de boue qui se trouvent à l’entrée du port, tout comme je les avais vus se poser sur l’herbe sur les bords du Parana ; chaque soir, quand venait l’obscurité, ils prenaient leur vol vers la mer. Ces faits me portent à croire que les Rhynchops pêchent ordinairement la nuit, alors que beaucoup de petits poissons se rapprochent de la surface de l’eau. M. Lesson affirme qu’il a vu ces oiseaux ouvrir les coquilles de Mactres enfouies dans les bancs de sable sur les côtes du Chili ; à en juger par leurs becs faibles, dont la partie inférieure se projette si considérablement en avant, par leurs courtes jambes et leurs longues ailes, il est fort peu probable que ce puisse être là une habitude générale chez eux.

Pendant notre voyage sur le Parana, je ne remarquai que trois autres oiseaux dignes d’être cités. L’un, un petit martin-pêcheur (Ceryle americana), a la queue plus longue que l’espèce européenne. Aussi ne perche-t-il pas de façon aussi droite. Son vol, au lieu d’être direct et rapide comme celui d’une flèche, est paresseux et ondulant, comme celui des oiseaux à bec mou. Il pousse un cri assez faible, qui ressemble au bruit que l’on produit en frappant deux cailloux l’un contre l’autre. Un petit perroquet (Conurus murinus) vert, à poitrine grise, semble préférer à toute autre situation, pour y construire son nid, les grands arbres qui se trouvent sur les îles. Ces nids sont placés en si grand nombre les uns auprès des autres, qu’on n’aperçoit qu’une grande masse de bâtons. Ces perroquets vivent toujours en troupes et commettent de grands ravages dans les champs de blé. On m’a dit que, auprès de Colonia, on en avait tué deux mille cinq cents dans le courant d’une année. Un oiseau à queue fourchue se terminant par deux longues plumes (Tyrannus