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bien que pas arrondis. Malgré cela, si nous considérons les observations rapportées plus haut, il n’y a guère de doute que les fragments qui servent de meulières dans le gésier des vers ne subissent un certain degré d’attrition, quand ils ne sont pas de consistance très dure ; et ainsi les particules les plus fines dans la terre que les vers avalent d’ordinaire en quantité si étonnante, sont écrasées ensemble et par là pulvérisées. S’il en est ainsi, la « terra tenuissima, » — la « pâte excessivement fine, » — dont consistent en grande partie les déjections, est partiellement due à l’action mécanique du gésier[1] et, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, c’est cette matière fine principalement qui à chaque pluie forte se détache dans chaque champ des masses de déjections qui s’y trouvent. Si les pierres les plus tendres se laissent quelque peu entamer, les plus dures subissent une légère perte par l’usure de toute sorte.

La trituration des petites particules de pierre dans le gésier des vers a plus d’importance au point de vue géologique qu’il ne paraît tout d’abord. M. Sorbey a montré clairement que les agents ordinaires de la désagrégation, c’est-à-dire l’eau courante et les vagues de la mer, ont d’autant moins de pouvoir sur les frag-

  1. Cette conclusion me fait penser à la grande quantité de boue crayeuse extrêmement fine qui se trouvent dans les lagunes de beaucoup d’atolls où la mer est tranquille et où les vagues ne peuvent pas triturer les blocs de corail. On doit attribuer cette boue, je pense, (« Structure et distribution des récifs de coraux », 2e édition, 1874. p. 19) aux innombrables Annélides et autres animaux qui creusent des galeries dans le corail mort, et aussi aux poissons, aux Holothuries, etc., qui broutent les coraux vivants.