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la plus grande mais aussi la plus soigneusement cachée des raisons qui ont déterminé l’accueil froid ou hostile que beaucoup d’hommes de science ont fait, à un certain moment, au transformisme ; c’est là ce qui a voué aux anathèmes le nom de Darwin. Et cependant le grand penseur qui s’est cru en possession de la vérité avait-il le droit de la cacher ? Peut-on supposer un seul instant qu’il soit mauvais pour l’humanité de savoir exactement d’où elle vient ou même simplement de se croire autorisé à le chercher ?

La vérité une fois trouvée, n’est-il pas évident que la nation qui mettra la première ses mœurs et son organisation sociale en rapport avec les conditions de développement et de progrès, désormais connues, de l’humanité, l’emportera nécessairement sur les autres ? La vérité s’imposant tôt ou tard, le devoir de tout homme politique n’est-il pas de chercher d’où elle vient et, s’il aperçoit les signes d’une révolution inévitable, de chercher à se pénétrer des principes qui doivent désormais présider à l’avenir de son pays ?

Ainsi, sortant du domaine de la spéculation pure, les sciences naturelles, grâce à l’impulsion qu’elles ont reçue de l’illustre savant anglais, s’imposent à l’attention même de l’homme d’État. Il serait puéril de les proscrire, comme on l’a un moment tenté ; leur œuvre ne serait pas interrompue pour cela et leurs révélations imprévues n’en seraient que plus dangereuses. Il faut suivre attentivement leurs progrès, mesurer la portée de leurs découvertes, étudier leur influence actuelle ou possible sur les croyances et les idées répandues, et s’efforcer de construire un édifice nouveau d’autant plus vite que les bases de l’ancien paraissent plus sérieusement menacées.

On ne peut dire que la question de l’origine de notre espèce soit, à l’heure actuelle, complètement et définitivement résolue, mais quand une doctrine arrive en