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fin pour distinguer entre différentes espèces de feuilles. Il est donc manifeste qu’ils avalent les objets durs, tels que des morceaux de pierre, des perles de verre et des fragments angulaires de briques ou de carreaux, dans quelque but spécial ; il n’est guère douteux que ce ne soit pour aider leur gésier à écraser et à broyer la terre qu’ils consomment en si grande quantité. Ces objets durs ne sont pas nécessaires pour écraser des feuilles, c’est ce que l’on peut induire du fait que certaines espèces vivant dans la boue et dans l’eau, et se nourrissant de matières végétales mortes ou vivantes, mais n’avalant pas de terre, sont dépourvues de gésier[1], et par suite ne peuvent pas avoir la faculté d’utiliser les pierres.

Pendant l’acte du broiement, les particules de terre doivent être frottées les unes contre les autres et entre les pierres et la dure membrane de revêtement du gésier. Les particules les plus tendres subiront par là une certaine attrition et seront peut-être même écrasées. Ce qui vient à l’appui de cette manière de voir, c’est l’apparence des déjections fraîchement déposées ; elles me rappelèrent souvent celle de couleur venant d’être broyée entre deux pierres plates par un ouvrier. Morren remarque que le canal intestinal est « impleta tenuissimâ terrâ, veluti in pulverem redactâ[2]. » : Perrier aussi parle de l’état de pâte excessivement fine à laquelle est réduite la terre qu’ils rejettent, etc.[3] »

  1. Perrier « Archives de Zoolog. expér. », tome III, 1874, p. 419.
  2. Morren « De lumbrici terrestri, etc. », p. 16.
  3. « Archives de Zoolog. Expér. », tome III, 1874, p. 418.