Page:Darwin - Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’hôte qu’il tourmente, ou que cet hôte, trop souvent un homme, ait pu être fait en vue du parasite. La grande loi de l’adaptation des organismes à leur milieu, de l’adaptation réciproque des êtres obligés de vivre dans le même district, en perpétuel conflit les uns avec les autres, est ainsi demeurée ensevelie jusqu’en 1859 sous les commodes brouillards de la téléologie.

C’est seulement depuis Darwin que l’on s’est sérieusement demandé si toutes ces harmonies ne résultaient pas, en quelque sorte, comme le poli des engrenages d’une machine, du frottement perpétuel de la vie soit contre les éléments naturels, soit contre elle-même. Il fallait, en effet, s’être bien convaincu de la possibilité de la variation des formes vivantes, s’être bien pénétré de l’intimité des rapports qui existent entre elles pour comprendre qu’elles aient pu s’adapter ainsi. Si Buffon, dans le siècle précédent, Lamark et Geoffroy-St-Hilaire dans la première moitié du nôtre ont considéré les espèces comme variables, Darwin est le premier qui ait songé à attribuer non la production, mais la conservation et le développement des variations aux réactions réciproques des êtres vivants, qui ait montré comment l’accroissement perpétuel du nombre des organismes, résultant de la génération, amenait fatalement un excédant de population, suivi d’une concurrence plus ou moins ardente, d’une lutte incessante entre les individus qui cherchent à obtenir leur part d’aliments, d’air respirable, ou ceux qui aspirent à se reproduire. Dans cette lutte, la victoire appartient à ceux qui sont le plus aptes à profiter des conditions dans lesquelles se livre la bataille ; en conséquence, les organismes qui vivent le plus longtemps, ceux qui sont choisis pour perpétuer l’espèce, qui sont les élus de cette sélection naturelle, inconsciente, sont précisément les mieux pourvus pour le genre de vie que leur imposent, soit le milieu dans lequel ils sont nés, soit les