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naturelles qui ont été tentés jusqu’à présent. Les rapports étroits qui existent entre l’animal et le milieu où il doit vivre sont, dans certains cas, trop frappants pour qu’on ait jamais pu les méconnaître. Il est trop évident que toute l’organisation du poisson est en rapport avec son existence aquatique, toute celle de l’oiseau avec son existence aérienne, toute celle du mammifère conçue pour la locomotion terrestre, pour qu’on n’en ait pas été frappé de tout temps. On a puisé dans ces faits les thèmes d’inépuisables dithyrambes en l’honneur de la sagesse de la nature, qui avait si harmonieusement combiné tout ce qui pouvait permettre aux animaux de profiter des conditions d’existence qui leur étaient offertes par leur milieu natal. Mais après avoir peuplé les eaux de poissons, les airs d’oiseaux, la terre de mammifères, après avoir si bien adapté ses ouvrages à ces éléments, comment se fait-il que, changeant de méthode, la nature ait aussi fait quelques poissons aptes à vivre un certain temps dans l’air ; beaucoup d’oiseaux à demi aquatiques ; plusieurs mammifères incapables de sortir de l’eau ; et pourquoi, tandis qu’elle privait d’ailes les manchots, les apteryx ou les autruches, en donnait-elle aux chauve-souris ? Pourquoi après avoir construit un animal pour un milieu, s’être complu à plier son organisation à un milieu nouveau ? Ce n’est pas seulement entre les organismes et le milieu général, la terre, l’air ou l’eau, que l’on observe d’étroites adaptations. Il en existe aussi et des plus remarquables d’organisme à organisme. La trompe des abeilles, celle des papillons, leur serait inutile s’il n’existait pas de fleurs. Les dents des mammifères sont construites pour leur permettre de ronger des corps durs, de triturer des végétaux, d’écraser la pulpe des fruits, de broyer la carapace des insectes, de déchirer et de couper la chair ; on reconnaît leurs usages à leur forme et cette forme suppose l’existence de