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leurs actions ne sont pas aussi invariables, ni inévitables que le sont la plupart des vrais instincts.

Les vers n’étant pas guidés par des instincts spéciaux dans chaque cas particulier, tout en ayant l’instinct général de boucher leurs galeries, et le hasard étant mis hors de question, la conclusion la plus probable qui se présente immédiatement semble être qu’ils essaient de beaucoup de manières différentes à introduire les objets, et qu’ils finissent par y réussir d’une certaine manière. Mais il est surprenant qu’un animal aussi bas dans l’échelle des êtres qu’un ver, soit capable d’agir de la sorte, beaucoup d’animaux supérieurs ne l’étant pas. Il arrive, par exemple, de voir des fourmis essayer en vain de transporter un objet transversalement à la route qu’elles parcourent, tandis qu’il leur serait facile de le traîner dans le sens longitudinal ; mais après un certain temps, elles agissent en général plus sagement. M. Fabre indique[1] qu’un sphex, insecte appartenant à l’ordre si bien doué qui contient aussi la fourmi, fait dans son nid provision de sauterelles paralysées, qui sont invariablement traînées dans la galerie par les antennes. Quand celles-ci étaient coupées à ras de tête, le sphex prenait les palpes ; mais quand ceux-ci étaient aussi coupés entièrement, il abandonnait en désespoir de cause la tentative de rentrer sa proie dans la galerie. Le sphex n’avait pas assez d’intelligence pour saisir l’une des six pattes ou l’oviscapte de la sauterelle, qui, ainsi que le

  1. Voir son intéressant ouvrage intitulé : Souvenirs entomologiques, 1879, p. 168-177.