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exception, car il doit, en tout temps, avoir été une des parties les plus exposées, et cependant les cheveux le recouvrent absolument. Néanmoins le fait que les autres membres de l’ordre des Primates, auquel appartient l’homme, bien qu’habitant diverses régions chaudes sont couverts de poils, généralement plus épais à la surface supérieure[1], est fortement contraire à la supposition que l’homme a perdu ses poils par suite de l’action du soleil. M. Belt[2] croit que sous les tropiques c’est un avantage pour l’homme de perdre ses poils, car il peut ainsi se débarrasser plus facilement de la multitude d’acarus et d’autres parasites qui l’attaquent souvent au point de causer parfois des ulcérations. Mais on peut douter que ce mal soit suffisamment grand pour que la sélection naturelle ait amené la dénudation du corps de l’homme, car, autant que je puis le savoir, aucun des nombreux quadrupèdes habitant les pays tropicaux n’a acquis un moyen spécial pour se défendre contre ces attaques. Je suis donc disposé à croire, ainsi que nous le verrons à propos de la sélection sexuelle, que l’homme, ou plutôt la femme primitive, a dû se dépouiller de ses poils dans quelque but d’ornementation ; il n’y aurait rien d’étonnant alors à ce que l’homme différât si considérablement par son état de villosité de tous ses voisins inférieurs, les caractères acquis par sélection sexuelle divergeant souvent à un degré extraordinaire chez des formes d’ailleurs extrêmement rapprochées.

Selon les idées populaires, l’absence d’une queue distingue éminemment l’homme ; mais ce point nous importe peu, puisque le même organe fait également défaut aux singes qui, par leur conformation, se rapprochent le plus du type humain. La queue présente souvent, chez les diverses espèces d’un même genre, des différences extraordinaires de longueur. Chez quelques espèces de Macaques, par exemple, la queue est plus longue que le corps entier et se compose de vingt-quatre vertèbres ; chez d’autres, elle est réduite à un tronçon à peine visible, composé de trois ou quatre vertèbres. Il y en a vingt-cinq dans la queue de quelques espèces

  1. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire (Hist. nat. générale, 1839, t. II, pp. 215-217) remarque que la tête humaine est couverte de longs poils, et qu’aussi les surfaces supérieures des singes et autres mammifères sont plus fortement revêtues de poils que les surfaces inférieures. Divers auteurs l’ont également observé. Le professeur Gervais (Hist. nat. des Mammifères, 1854, vol. I, p. 28) constate cependant que chez le gorille le poil est plus rare sur le dos, où il est partiellement enlevé par frottement, que sur les surfaces inférieures.
  2. The Naturalist in Nicaragua, 1874, p. 209. À l’appui des assertions de M. Belt, je puis citer le passage suivant de sir W. Denison (Varieties of vice-regal life, vol. I, 1870, p. 440) : « On affirme que les Australiens attaqués par des parasites ont l’habitude de flamber leurs poils. »