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transmettre à leurs propres descendants une forte tendance à varier de la même façon. En conséquence, le corps tout entier des mâles habitant une même région doit tendre à se modifier presque uniformément, par suite des effets d’un croisement continu, mais cela très-lentement ; tous enfin doivent tendre à devenir plus attrayants pour les femelles. C’est en somme le même procédé que celui auquel j’ai donné le nom de sélection inconsciente par l’homme, et dont j’ai cité plusieurs exemples qu’il est bon peut-être de rappeler. Les habitants d’un pays aiment un cheval ou un chien léger et rapide ; les habitants d’un autre pays recherchent au contraire un cheval lourd et puissant ; dans aucun des deux pays on ne procède au choix d’animaux individuels ayant un corps plus lourd ou plus léger ; toutefois, après un laps considérable de temps, il se trouve que les animaux dont nous venons de parler ont été modifiés presque uniformément, ainsi que le désirent les habitants, et qu’on arrive à une sorte d’extrême dans chaque pays. Dans deux régions absolument distinctes habitées par une même espèce dont les individus, depuis des siècles, n’ont pu se croiser et où, en outre, les variations n’auront pas été identiquement les mêmes, la sélection sexuelle pourrait faire différer les mâles. L’hypothèse que les femelles placées dans des milieux différents, environnées par d’autres objets, pourraient acquérir des goûts différents relativement à la forme, aux sons et à la couleur, ne me paraît pas tout à fait imaginaire. Quoi qu’il en soit, j’ai cité dans le présent ouvrage des exemples d’oiseaux très-voisins habitant des régions distinctes chez lesquelles les jeunes ne peuvent se distinguer des femelles, tandis que les mâles adultes en diffèrent considérablement, et, en toute probabilité, on peut attribuer ce résultat à l’action de la sélection sexuelle.



FIN.