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manes et tous les mammifères supérieurs descendent probablement d’un Marsupial ancien, descendant lui-même, au travers d’une longue ligne de formes diverses, de quelque être pareil à un reptile ou à un amphibie, qui descendait à son tour d’un animal semblable à un poisson. Dans l’obscurité du passé, nous entrevoyons que l’ancêtre de tous les vertébrés a dû être un animal aquatique, pourvu de branchies, ayant les deux sexes réunis sur le même individu, et les organes les plus essentiels du corps (tels que le cerveau et le cœur) imparfaitement ou même non développés. Cet animal paraît avoir ressemblé, plus qu’à toute autre forme connue, aux larves de nos Ascidies marines actuelles.


Il y a sans doute une difficulté à vaincre avant d’adopter pleinement la conclusion à laquelle nous sommes ainsi conduits sur l’origine de l’homme, c’est la hauteur du niveau intellectuel et moral auquel s’est élevé l’homme. Mais quiconque admet le principe général de l’évolution, doit reconnaître que, chez les animaux supérieurs, les facultés mentales sont, à un degré très-inférieur, de même nature que celles de l’espèce humaine et susceptibles de développement. L’intervalle qui sépare les facultés intellectuelles de l’un des singes supérieurs de celles du poisson, ou les facultés intellectuelles d’une fourmi de celles d’un insecte parasite, est immense. Le développement de ces facultés chez les animaux n’offre pas de difficulté spéciale ; car, chez nos animaux domestiques, elles sont certainement variables, et ces variations sont héréditaires. Il est incontestable que la haute importance de ces facultés pour les animaux à l’état de nature, constitue une condition favorable pour que la sélection naturelle puisse les perfectionner. La même conclusion peut s’appliquer à l’homme ; l’intelligence a dû avoir pour lui, même à une époque fort reculée, une très-grande importance, en lui permettant de se servir d’un langage, d’inventer et de fabriquer des armes, des outils, des pièges, etc. Ces moyens, venant s’ajouter à ses habitudes sociables, l’ont mis à même, il y a bien longtemps, de s’assurer la domination sur tous les autres animaux.

Le développement intellectuel a dû faire un pas immense en avant quand, après un progrès antérieur déjà considérable, le langage, moitié art, moitié instinct, a commencé à se former ; car l’usage continu du langage agissant sur le cerveau avec des effets héréditaires, ces effets ont dû à leur tour pousser au perfectionnement du langage. La grosseur du cerveau de l’homme, relativement aux dimensions de son corps et comparé à celui des animaux inférieurs, provient surtout, sans doute, comme le fait remarquer avec