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signalés par le Rév. Shooter, qu’elles peuvent encore faire un choix. Ainsi des hommes très laids, quoique riches, n’ont pas pu se procurer de femmes. Les filles, avant de consentir aux fiançailles, obligent les hommes à se montrer d’abord par devant, puis par derrière, et à « exhiber leurs allures ». Elles font souvent des propositions à un homme et se sauvent avec leur amant. M. Leslie, qui connaît bien les Cafres, confirme ces observations et il ajoute : « C’est une erreur de supposer qu’un père puisse vendre sa fille comme il vendrait une vache. » Chez les Boschimans, dans l’Afrique méridionale, « Lorsqu’une fille est devenue femme sans avoir été fiancée, ce qui arrive rarement, son prétendant doit obtenir son consentement et celui des parents[1] ». M. Winwood Reade, qui a étudié les habitudes des nègres de l’Afrique occidentale, m’apprend que, « au moins dans les tribus les plus intelligentes, les femmes n’ont pas de peine à obtenir les maris qu’elles désirent, bien qu’on considère comme peu digne de la femme de demander à un homme de l’épouser. Elles sont très capables d’éprouver de l’amour, de former des attachements tendres, passionnés et fidèles. » Je pourrais citer d’autres exemples.

Nous voyons donc que, chez les sauvages, les femmes ne sont pas en ce qui concerne le mariage, dans une position aussi abjecte qu’on l’a souvent supposé. Elles peuvent séduire les hommes qu’elles préfèrent, et quelquefois rejeter, avant ou après le mariage, ceux qui leur déplaisent. La préférence de la part des femmes, agissant résolument dans une direction donnée, affecterait par la suite le caractère de la tribu, car les femmes choisiraient non seulement les plus beaux hommes selon leur idéal, mais encore les plus capables de les défendre et de les soutenir. Des couples bien doués doivent en général produire plus de descendants que ceux qui le sont moins. Le même résultat serait évidemment encore plus prononcé s’il y avait choix réciproque, c’est-à-dire si les hommes les plus forts et les plus attrayants, en choisissant les femmes les plus séduisantes, étaient eux-mêmes préférées par celles-ci. Ces deux formes de sélection semblent avoir dominé, simultanément ou

  1. Azara, Voyages, etc., II, p. 23. Dobrishoffer, An Account of the Abipones, II, p. 207, 1822 ; Capitaine Musters, in « Proc. R. Geograph. Soc. », vol. XV, p. 47. Williams. Sur les habitants des îles Fidji, cité par Lubbock, Origin of Civilization, p. 79, 1870. Sur les Fuégiens, Kind and Fitzroy, Voyages of the Adventure and Beagle, II, p. 182, 1839. Sur les Kalmucks, Mc Lennan, Primit. Marriage, p. 32, 1865. Sur les Malais, Lubbocks, o. c., p. 76. Le Rev. J. Shooter On the Kafirs of Natal, pp. 52-60, 1857. M. D. Leslie, Kafir Character and Customs, 1871, p. 4. Sur les Boschimans, Burchell, Trav. in S. Africa, II, p. 59, 1824. Sur les Koraks par Mc Lennan, cités par Wake in Anthropologia, octobre 1873, p. 75.