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avoir agi accidentellement plus tard, car chez les tribus très-barbares, les femmes ont plus de pouvoir qu’on ne s’y attendrait, pour choisir, rejeter, ou séduire leurs amoureux, ou pour changer ensuite de mari. Ce point ayant quelque importance, je donnerai les détails que j’ai pu recueillir.

Hearne raconte qu’une femme d’une des tribus de l’Amérique arctique avait quitté plusieurs fois son mari pour rejoindre un homme qu’elle aimait ; Azara nous apprend que chez les Charmas de l’Amérique du Sud, le divorce est entièrement libre. Chez les Abipones, l’homme qui choisit une femme en débat le prix avec les parents ; mais « il arrive souvent que la jeune fille annule les transactions intervenues entre son père et son futur, et repousse obstinément le mariage. » Elle se sauve, se cache, et échappe ainsi à son prétendant. Le capitaine Musters, qui a vécu chez les Patagons, affirme que chez eux le mariage est toujours une affaire d’inclination : « Si les parents, dit-il, arrangent un mariage contraire aux volontés de la jeune fille, elle refuse et on ne la force jamais. » Dans les îles Fidji, l’homme qui veut se marier s’empare de la femme qu’il a choisie, soit de force réellement, soit en simulant la violence ; mais, « arrivée au domicile de son ravisseur, la femme, si elle ne consent pas au mariage, se sauve et va se réfugier chez quelqu’un qui puisse la protéger ; si, au contraire, elle est satisfaite, l’affaire est désormais réglée. » À la Terre-de-Feu, le jeune homme commence par rendre quelques services aux parents pour obtenir leur consentement, après quoi il cherche à enlever la fille ; mais, si celle-ci ne consent pas, « elle se cache dans les bois jusqu’à ce que son admirateur se lasse de la chercher, et abandonne la poursuite, ce qui pourtant est rare. » Chez les Kalmucks, il y a course régulière entre la fiancée et le fiancé, la première partant avec une certaine avance ; et Clarke dit : « On m’a assuré qu’il n’y a pas d’exemple qu’une fille ait été rattrapée, à moins qu’elle n’aime l’homme qui la poursuit. » Il y a course semblable chez les tribus sauvages de l’archipel Malais, et il résulte du récit qu’en fait M. Bourien, comme le remarque Sir J. Lubbock, « que le prix de la course n’appartient pas au coureur le plus rapide, ni le prix du combat au lutteur le plus fort, mais tout simplement au jeune homme qui a la bonne fortune de plaire à celle qu’il a choisie pour fiancée. » Les Koraks, qui habitent le nord-est de l’Asie, observent une coutume analogue.

En Afrique, les Cafres achètent leurs femmes, et les filles sont cruellement battues par leur père si elles refusent d’accepter un mari qu’il a choisi ; cependant, il paraît résulter de plusieurs faits