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l’influence de la sélection sexuelle pour produire les différences qui existent entre les diverses races humaines et entre l’homme et les quadrumanes supérieurs, cette influence, à une époque fort reculée, a dû être beaucoup plus puissante qu’elle ne l’est aujourd’hui.


Mode d’action de la sélection sexuelle sur l’espèce humaine. — Chez l’homme primitif placé dans les conditions favorables que nous venons d’indiquer, et chez les sauvages qui, de nos jours, contractent un lien nuptial quelconque (lien sujet à diverses modifications selon que les pratiques de l’infanticide des enfants du sexe féminin, des fiançailles prématurées existent plus ou moins, etc.), la sélection sexuelle a dû probablement agir de la manière suivante : les hommes les plus forts et les plus vigoureux, — ceux qui pouvaient le mieux défendre leur famille et subvenir par la chasse à ses besoins, — ceux qui avaient les meilleures armes et ceux qui possédaient le plus de biens, tels que chiens ou autres animaux, ont dû parvenir à élever en moyenne un plus grand nombre d’enfants que les individus plus pauvres et plus faibles des mêmes tribus. Sans doute aussi ces hommes ont dû pouvoir généralement choisir les femmes les plus attrayantes. Actuellement, dans presque toutes les tribus du globe, les chefs parviennent à posséder plus d’une femme. Jusqu’à ces derniers temps, me dit M. Mantell, toute jeune fille de la Nouvelle-Zélande, jolie ou promettant de l’être, était tapu, c’est-à-dire réservée à quelque chef. D’après M. C. Hamilton[1], chez les Cafres, « les chefs ont généralement le choix des femmes à plusieurs lieues à la ronde, et ils font tous leurs efforts pour établir ou pour confirmer leur privilège. » Nous avons vu que chaque race a son propre idéal de beauté, et nous savons qu’il est naturel chez l’homme d’admirer chaque trait caractéristique de ses animaux domestiques, de son costume, de ses ornements, et de son apparence personnelle, lorsqu’il dépasse un peu la moyenne habituelle. En conséquence, si on admet les propositions précédentes, qui ne paraissent pas douteuses, il serait inexplicable que la sélection des femmes les plus belles par les hommes les plus forts de chaque tribu, qui réussiraient en moyenne à élever un plus grand nombre d’enfants, ne modifiât pas, jusqu’à un certain point et à la suite de nombreuses générations, le caractère de la tribu.

Lorsqu’on introduit une race étrangère d’animaux domestiques dans un pays nouveau, ou qu’on entoure la race indigène de soins prolongés et soutenus, qu’il s’agisse, d’ailleurs, d’une race utile ou

  1. Anthrop. Review, p. xvi, Janv. 1870.