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aient le choix libre ou à peu près, ce qui n’est pas le cas chez les races sauvages, ce choix est cependant considérablement influencé par la position sociale et par la fortune de l’homme ; or, le succès de ce dernier dans la vie dépend beaucoup de ses facultés intellectuelles et de son énergie, ou des fruits que ces mêmes facultés ont produits chez ses aïeux. Il est inutile d’invoquer une excuse pour traiter ce sujet avec quelques détails ; comme le fait si bien remarquer le philosophe allemand Schopenhauer, « le but de toutes les intrigues d’amour, que ce résultat soit comique ou tragique, a réellement plus d’importance que tous les desseins que peut se proposer l’homme. En effet, il ne s’agit de rien moins que de la composition de la génération suivante… il ne s’agit pas ici du bonheur ou du malheur d’un individu, mais c’est le bonheur ou le malheur de la race humaine qui est en jeu[1]. »

Il y a toutefois des raisons de croire que la sélection sexuelle a produit quelques résultats au point de vue de la modification de la forme du corps, chez certaines nations civilisées ou à demi civilisées. Beaucoup de personnes ont la conviction, qui me paraît juste, que les membres de notre aristocratie, en comprenant sous ce terme toutes les familles opulentes chez lesquelles la primogéniture a longtemps prévalu, sont devenus plus beaux selon le type européen admis, que les membres des classes moyennes, par le fait qu’ils ont, pendant de nombreuses générations, choisi dans toutes les classes les femmes les plus belles pour les épouser ; les classes moyennes, cependant, se trouvent placées dans des conditions également favorables pour un parfait développement du corps. Cook fait la remarque que la supériorité de l’apparence personnelle « qu’on observe chez les nobles de toutes les autres îles du Pacifique se retrouve dans les îles Sandwich ; » ce qui peut principalement provenir d’une meilleure nourriture et d’un genre de vie moins rude.

L’ancien voyageur Chardin, décrivant les Persans, dit que « leur sang s’est considérablement amélioré par suite de fréquents mélanges avec les Géorgiens et les Circassiens, deux peuples qui l’emportent sur tous ceux de l’univers par leur beauté personnelle. Il y a en Perse peu d’hommes d’un rang élevé qui ne soient nés d’une mère géorgienne ou circassienne. » Il ajoute qu’ils héritent de la beauté de leurs mères, et non de leurs ancêtres ; car, sans le mélange en question, les Persans de distinction, qui descendent des

  1. « Schopenhauer and Darwinism » in Journal of Anthrop. Janvier 1871, p. 323.