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J’ai mentionné ces différences entre les deux sexes de l’espèce humaine, parce qu’elles sont singulièrement les mêmes que chez les quadrumanes. Chez ces animaux, la femelle mûrit à un âge plus précoce que le mâle, c’est du moins le cas chez le Cebus Azarae[1]. Dans la plupart des espèces, les mâles sont plus grands et beaucoup plus forts que les femelles, cas dont le Gorille offre un exemple bien connu. Certains singes mâles, qui ressemblent sous ce rapport à l’espèce humaine, diffèrent même de leurs femelles par un caractère aussi insignifiant que peut l’être la proéminence plus prononcée de l’arcade sourcilière[2]. Chez le Gorille et chez quelques autres singes, le crâne de l’adulte mâle est pourvu d’une crête sagittale fortement accusée, qui fait défaut chez la femelle : et Ecker a trouvé, entre les deux sexes des Australiens, les traces d’une différence semblable[3]. Lorsque chez les singes il y a une différence dans la voix, c’est celle du mâle qui est la plus puissante. Nous avons vu que certains singes mâles ont une barbe bien développée, qui fait entièrement défaut, ou n’est que fort peu développée chez les femelles. Il n’y a aucun exemple de barbe, de favoris ou de moustaches qui soient plus développés chez un singe femelle que chez le mâle. Il y a même un parallélisme singulier, entre l’homme et les quadrumanes, jusque dans la couleur de la barbe ; car lorsque, ce qui arrive souvent, la barbe de l’homme diffère de sa chevelure par la teinte, elle est invariablement d’un ton plus clair, et souvent rougeâtre. J’ai bien souvent observé ce fait en Angleterre, mais deux personnes m’ont dernièrement écrit qu’elles font exception à la règle. L’une d’elle explique le fait par l’énorme différence qui existait dans la couleur des cheveux du côté paternel et du côté maternel de sa famille. Ces deux messieurs connaissaient depuis longtemps cette particularité (on accusait souvent l’un d’eux de teindre sa barbe), ce qui les avait conduits à observer d’autres hommes, et cette étude les convainquit que cette exception est extrêmement rare. Le docteur Hooker qui a bien voulu, à ma demande, porter son attention sur ce point, n’a pas rencontré une seule exception à la règle en Russie. M. J. Scott, du jardin botanique, a eu l’obligeance d’observer à Calcutta, ainsi que dans d’autres parties de l’Inde, les nombreuses races d’hommes qu’on peut y voir,

    des Guaranys, Rengger, Saügethiere, etc., p. 3. Godron, De l’espèce. II, p. 253, 1859. Sur les Australiens, Waitz, Introd. to Anthropology (trad. anglaise, p. 99, 1863).

  1. Rengger, o. c., p. 49, 1830.
  2. Comme chez le Macacus cynomolgus (Desmarest, Mammalogie, p. 65) et l’Hylobates agilis (Geoffroy Saint-Hilaire et F. Cuvier, Hist. nat. des Mamm., I p. 2, 1824).
  3. Anthropological Review, p. 353, Oct. 1868.