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d’antilopes ces arrangements bizarres des couleurs qui, bien que communs aujourd’hui aux deux sexes, ont dû intervenir d’abord chez le mâle.

On doit peut-être étendre la même conclusion au tigre, l’un des plus beaux animaux qui existent, et dont les marchands de bêtes féroces eux-mêmes ne peuvent distinguer le sexe par la coloration. M. Wallace croit[1] que la robe rayée du tigre « ressemble assez aux tiges verticales du bambou, pour contribuer beaucoup à le dissimuler aux regards de la proie qui s’approche de lui ». Mais cette explication ne me paraît pas satisfaisante. Le fait que chez deux espèces de Felis des taches et des couleurs analogues sont un peu plus vives chez le mâle que chez la femelle, nous autorise peut-être à penser que la beauté du tigre est due à la sélection sexuelle. Le zèbre est admirablement rayé, et des raies, dans les plaines découvertes de l’Afrique méridionale, ne peuvent constituer aucune protection. Burchell[2], décrivant un troupeau de ces animaux, dit : « Leurs côtes luisantes étincelant au soleil et leur manteau brillant, si régulièrement rayé, offrent un tableau d’une beauté que ne pourrait probablement surpasser aucun autre quadrupède ». Nous n’avons pas de preuves que la sélection sexuelle ait joué ici un rôle, car les sexes sont, dans tous les groupes des Équidés, identiques par la couleur. Néanmoins, si on attribue les raies verticales blanches et foncées des flancs de diverses antilopes à la sélection sexuelle, on sera probablement porté à penser de même pour le Tigre royal et le Zèbre magnifique.

Nous avons vu, dans un chapitre précédent, que si les jeunes de classe quelconque, ayant les mêmes habitudes de vie que leurs parents, présentent une coloration différente, c’est qu’ils ont hérité de quelque ancêtre éloigné et éteint. Dans la famille des Porcidés et dans le genre Tapir, les jeunes portent des raies longitudinales, et diffèrent ainsi de toutes les espèces adultes de ces deux groupes. Dans beaucoup d’espèces de cerfs, les faons sont tachetés d’élégants points blancs, dont les parents n’offrent aucune trace. On peut établir, depuis l’Axis, dont les deux sexes sont, en toutes saisons et à tout âge, magnifiquement tachetés (le mâle étant plus fortement coloré que la femelle), — une série passant par tous les degrés jusqu’à des espèces chez lesquelles ni adultes ni jeunes n’ont aucune tache. Voici quelques termes de cette série : le Cerf Mantchourien (Cervus Mantchuricus) est tacheté toute l’année ; mais, ainsi que je l’ai observé aux Zoological Gardens, les taches sont

  1. Westminster Review, ler Juillet 1867, p. 5.
  2. Travels in South Africa, vol. II, 1824, p. 315.