que les femelles sont tigrées. Des cas analogues s’observent dans
la nature ; M. Bartlett a vu beaucoup de variétés noires du jaguar,
du léopard, du phalanger et du wombat, et il est certain que la
plupart, sinon tous, étaient mâles. D’autre part, les individus des
deux sexes, chez les loups, les renards et les écureuils américains,
naissent quelquefois noirs. Il est donc tout à fait possible que, chez
quelques mammifères, une différence de coloration entre les sexes,
surtout lorsqu’elle est congénitale, soit simplement le résultat,
sans aucune sélection, d’une ou plusieurs variations, dès l’abord
limitées sexuellement dans leur transmission. Toutefois on ne peut
guère admettre que les couleurs si diverses, si vives et si tranchées
de certains mammifères, telles que celles des singes et des antilopes
mentionnés plus haut, puissent s’expliquer ainsi. Ces couleurs
n’apparaissent pas chez le mâle dès sa naissance, mais seulement
lorsqu’il a atteint l’état adulte ou qu’il en approche ; et, contrairement
aux variations habituelles, elles ne se produisent pas lorsque
le mâle a été châtré. En somme, la conclusion la plus probable,
c’est que les couleurs fortement accusées et les autres ornements
des quadrupèdes mâles, leur procurent un avantage dans leur lutte
avec d’autres mâles, et sont, par conséquent, le résultat de la sélection
sexuelle. Le fait que les différences de coloration entre les
sexes se rencontrent presque exclusivement, comme le prouvent
les détails précités, dans les groupes et les sous-groupes de mammifères
présentant d’autres caractères sexuels secondaires distincts,
également le produit de l’action de la sélection sexuelle, augmente
beaucoup la probabilité de cette opinion.
Les quadrupèdes font évidemment attention à la couleur. Sir S. Baker a observé à de nombreuses reprises que l’éléphant africain et le rhinocéros attaquent avec une fureur toute spéciale les chevaux blancs ou gris. J’ai prouvé ailleurs[1] que les chevaux à demi sauvages paraissent s’accoupler de préférence avec ceux de la même couleur ; et que des troupeaux de daims de colorations différentes, bien que vivant ensemble, sont longtemps restés distincts. Un fait plus significatif, c’est qu’une femelle de zèbre qui avait absolument refusé de s’accoupler avec un âne, le reçut très-volontiers, comme le remarque John Hunter, dès qu’il fut peint à la manière du zèbre. Dans ce fait fort curieux « nous observons un instinct excité par la simple couleur, dont l’effet a été assez puissant pour l’emporter sur tous les autres moyens. Mais le mâle n’en exigeait pas autant ; le fait que la femelle était un animal ayant
- ↑ Variation, etc., vol. II, 111 (trad. française), 1869.