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Développement du poil. — Nous avons vu que les quadrupèdes mâles ont souvent le poil du cou et des épaules beaucoup plus développé qu’il ne l’est chez les femelles, et nous pourrions citer grand nombre d’autres exemples. Bien que cette disposition soit quelquefois utile au mâle, comme moyen de défense dans ses batailles, il est fort douteux que le poil se soit toujours spécialement développé dans ce but. Ainsi, lorsque ces poils ne forment qu’une crête mince, sur la ligne médiane du dos, ils ne peuvent servir de protection, et le dos n’est pas d’ailleurs un point exposé ; néanmoins, ces crêtes ne se trouvent guère que chez les mâles, et quand elles existent dans les deux sexes, elles sont toujours beaucoup moins développées chez les femelles. Deux espèces d’antilopes, les Tragelaphus scriptus[1] (fig. 70, p. 325) et les Portax picta, en offrent des exemples. Les crêtes de certains cerfs et du bouc sauvage se redressent lorsque ces animaux sont irrités ou effrayés[2] ; mais on ne peut supposer qu’elles aient été acquises dans le but d’effrayer leurs ennemis. Une des antilopes précitées, le Portax picta, porte sur la gorge une touffe bien marquée de poils noirs, touffe beaucoup plus grande chez le mâle que chez la femelle. Chez un individu de la famille des moutons, l’Ammotragus tragelaphus de l’Afrique du Nord, les membres antérieurs se trouvent presque cachés par une croissance extraordinaire de poils partant du cou et de la moitié supérieure des membres ; mais M. Bartlett ne croit pas que ce manteau ait aucune utilité pour le mâle, chez lequel il est beaucoup plus développé que chez la femelle.

Beaucoup de quadrupèdes mâles d’espèces diverses diffèrent des femelles en ce qu’ils ont plus de poils, ou des poils d’un caractère différent, sur certaines parties de la face. Le taureau seul porte des poils frisés sur le front[3]. Chez trois sous-genres très-voisins de la famille des chèvres, les mâles seuls ont une barbe, quelquefois très-grande ; chez deux autres sous-genres elle existe chez les deux sexes, mais disparaît chez quelques-unes des races domestiques de la chèvre commune ; chez l’Hemitragus, aucun des deux sexes n’a de barbe. Chez le Bouquetin, la barbe ne se développe pas en été, et elle est assez courte dans les autres saisons pour qu’on puisse l’appeler rudimentaire[4]. Chez quelques singes, la barbe est restreinte au mâle, comme chez l’orang, ou elle est beau-

  1. Docteur Gray, Gleanings from Menagerie at Knowsley, pl. XXVIII.
  2. Judge Caton, sur le Wapiti ; Transact. Ottawa Acad, Nat. Sciences, p. 36-49, 1868. Blyth, Land and Water, sur le Capra œgagrus, p. 37, 1867.
  3. Hunter’s Essays and Observations, edited by Owen, 1861, vol. I. p. 236.
  4. Docteur Gray, Cat. of Mammalia in Brit. Mus., III, p. 144, 1852.