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nous suffit de supposer qu’un ancêtre reculé a possédé les parties en question à l’état parfait, et que, sous l’influence de changements dans les habitudes d’existence, ces parties ont tendu à disparaître, soit par défaut d’usage, soit par la sélection naturelle des individus le moins encombrés d’une partie devenue superflue, causes de disparition venant s’ajouter aux autres causes déjà indiquées.

Nous pouvons ainsi comprendre comment il se fait que l’homme et tous les autres vertébrés ont été construits sur un même modèle général, pourquoi ils traversent les mêmes phases primitives de développement, et pourquoi ils conservent quelques rudiments communs. Nous devrions, par conséquent, admettre franchement leur communauté de descendance ; adopter toute autre théorie, c’est en arriver à considérer notre conformation et celle des animaux qui nous entourent comme un piège tendu à notre jugement. Cette conclusion trouve un appui immense dans un coup d’œil jeté sur l’ensemble des membres de la série animale, et sur les preuves que nous fournissent leurs affinités, leur classification, leur distribution géographique et leur succession géologique. Nos préjugés naturels, cette vanité qui a conduit nos ancêtres à déclarer qu’ils descendaient des demi-dieux, nous empêchent seuls d’accepter cette conclusion. Mais le moment n’est pas éloigné où l’on s’étonnera que des naturalistes, connaissant la conformation comparative et le développement de l’homme et des autres mammifères, aient pu si longtemps croire que chacun d’eux a été l’objet d’un acte séparé de création.


CHAPITRE II


SUR LE MODE DE DÉVELOPPEMENT DE L’HOMME
DE QUELQUE TYPE INFÉRIEUR


Variabilité du corps et de l’esprit chez l’homme. — Hérédité. — Causes de la variabilité. — Similitude des lois de la variation chez l’homme et chez les animaux inférieurs. — Action directe des conditions d’existence. — Effets de l’augmentation ou de la diminution d’usage des parties. — Arrêts de développement. — Retour ou atavisme. — Variation corrélative. — Taux d’accroissement. — Obstacles à l’accroissement. — Sélection naturelle. — L’homme, animal prédominant dans le monde. — Importance de sa conformation corporelle. — Causes qui ont déterminé son attitude verticale. — Changements consécutifs dans sa structure. — Diminution de la grosseur des dents canines. — Accroissement et altération de la forme du crâne. — Nudité. — Absence de la queue. — Absence d’armes défensives.


L’homme est à notre époque sujet à de nombreuses variations. Il n’y a pas, dans une même race, deux individus complètement