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femelles, — comme chez le prétendu chardonneret de l’Amérique du Nord, et, selon toute apparence, chez le magnifique Maluri d’Australie[1]. Chez les espèces où les sexes se ressemblent été et hiver, les jeunes peuvent premièrement ressembler aux adultes dans leur tenue d’hiver ; secondement, ce qui est beaucoup plus rare, ils peuvent ressembler aux adultes dans leur tenue d’été ; troisièmement, ils peuvent affecter un état intermédiaire entre ces deux états ; et, quatrièmement, ils peuvent différer beaucoup des adultes en toute saison. Le Buphus coromandus de l’Inde nous fournit un exemple du premier de ces quatre cas : les jeunes et les adultes des deux sexes sont blancs pendant l’hiver et les adultes revêtent, pendant l’été, une teinte buffle dorée. Chez l’Anastomus oscitans de l’Inde, nous observons un cas semblable avec renversement des couleurs ; car les jeunes et les adultes des deux sexes sont gris et noirs pendant l’hiver et les adultes deviennent blancs pendant l’été[2]. Comme exemple du second cas, les jeunes pingouins (Alca torda, Linn.), dans le premier état de leur plumage, sont colorés comme les adultes le sont en été ; et les jeunes du moineau à couronne blanche de l’Amérique du Nord (Fringilla leucophrys) portent, dès qu’ils sont emplumés, d’élégantes raies blanches sur la tête, qu’ils perdent ainsi que les adultes pendant l’hiver[3]. Quant au troisième cas, celui où les jeunes ont un plumage intermédiaire entre celui d’hiver et celui d’été chez les adultes, Yarrell[4] assure qu’on peut l’observer chez beaucoup d’Échassiers. Enfin, pour le dernier cas, où les jeunes diffèrent considérablement des adultes des deux sexes, soit que ces derniers portent leur plumage d’été, soit qu’ils portent leur plumage d’hiver, on observe le fait chez quelques hérons de l’Amérique du Nord et de l’Inde, les jeunes seuls étant blancs.

Je me bornerai à faire quelques remarques sur ces cas si complexes. Lorsque les jeunes ressemblent à la femelle dans sa tenue d’été, ou aux adultes des deux sexes dans leur tenue d’hiver, ils ne diffèrent de ceux groupés dans les classes I et III qu’en ce que les caractères, originellement acquis par les mâles pendant la saison des amours, ont été limités dans leur transmission à la saison correspondante. Lorsque les adultes ont deux plumages distincts, un pour l’été et l’autre pour l’hiver, et que le plumage des jeunes diffère de l’un et de l’autre, le cas est plus difficile à comprendre. Nous pouvons admettre comme probable que les jeunes ont conservé un ancien état de plumage ; nous pouvons expliquer par l’influence de la sélection sexuelle le plumage d’été, ou plumage nuptial des adultes, mais comment expliquer leur plumage d’hiver distinct ? S’il nous était possible d’admettre que, dans tous les cas, ce plumage constitue une protection, son acquisition serait un fait assez simple, mais je ne vois pas de bonnes raisons sur lesquelles baser cette supposition. On peut soutenir que les conditions vitales si différentes entre l’été et l’hiver ont agi directement sur le

  1. Sur le Chardonneret de l’Amérique du Nord, Fringilla tristis, Audubon, Orn. Biogr., vol. I, p. 172. Pour le Maluri, Gould, Handbook, etc., vol. I, p. 318.
  2. Je dois à M. Blyth les renseignements sur le Buphus ; Jerdon, o. c., vol. III, p. 749. Sur l’Anastomus, Blyth, Ibis, 1867, p. 173.
  3. Sur l’Alca, Macgillivray, o. c., vol. v, p. 347. Sur la Fringilla leucophrys, Audubon, o. c., vol. II, p. 89. J’aurai plus tard à rappeler le fait que les jeunes de certains hérons et de certaines aigrettes sont blancs.
  4. History of British Birds, vol. I, 1839, p. 159.