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Les cas de coloration plus intense chez les femelles que chez les mâles, et ceux où le premier plumage des jeunes adultes ressemble à celui des mâles adultes au lieu de ressembler à celui des femelles adultes, comme dans la première catégorie, ne sont donc pas nombreux, bien qu’ils se rencontrent dans des ordres variés. L’étendue des différences entre les sexes est ainsi incomparablement moindre que celle qu’on peut observer dans la première catégorie ; de telle sorte que, quelle que puisse avoir été la cause de cette différence, elle a dû agir chez les femelles de la seconde classe avec moins d’énergie ou de persistance que chez les mâles de la première. M. Wallace explique cet amoindrissement de la coloration chez les mâles, par le besoin d’un moyen de sécurité pendant la période de l’incubation ; mais il ne semble pas que les différences entre les sexes, dans les exemples que nous venons de citer, soient assez prononcées pour justifier suffisamment cette opinion. Dans quelques-uns des cas, les teintes brillantes de la femelle sont restreintes à la surface inférieure du corps ; aussi les mâles, s’ils eussent porté ces mêmes couleurs, n’auraient couru aucun danger plus considérable pendant qu’ils couvent les œufs. Il faut aussi remarquer que non-seulement les mâles sont, à un faible degré, moins brillamment colorés que les femelles, mais qu’ils ont aussi une taille moindre et qu’ils sont moins forts. Ils ont de plus, non-seulement acquis l’instinct maternel de l’incubation, mais ils sont encore moins belliqueux et moins criards que les femelles, et, dans un cas, ont des organes vocaux plus simples. Il s’est donc effectué ici, entre les deux sexes, une transposition presque complète des instincts, des mœurs, du caractère, de la couleur, de la taille, et de quelques points de la conformation.

Or, si nous pouvions supposer que, dans la classe dont nous nous occupons, les mâles ont perdu quelque peu de cette ardeur qui est habituelle à leur sexe, de telle sorte qu’ils ne cherchent plus les femelles avec autant d’empressement ; ou, si nous pouvions admettre que les femelles sont devenues beaucoup plus nombreuses que les mâles, — cas constaté pour une espèce indienne de turnix, « car on rencontre beaucoup plus ordinairement des femelles que

    qu’on peut le considérer comme le plus beau des deux. Il est plus grand et plus belliqueux que la femelle, et ne couve pas les œufs. Sous tous ces rapports, l’espèce rentre donc dans notre première classe de cas ; mais M. Sclater (Proc. Zool. Soc., 1866, p. 150), à son grand étonnement, a vu que les jeunes des deux sexes, âgés de trois mois environ, ressemblaient aux mâles adultes par leur tête et leur cou de couleur foncée, au lieu de ressembler aux femelles adultes ; ce qui semblerait, dans ce cas, indiquer que les femelles se sont modifiées, tandis que les mâles et les jeunes ont conservé un état antérieur de plumage.