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qu’un sifflement contenu ou un croassement lorsqu’il est en colère. » Non seulement il se charge de tous les soins inhérents à l’incubation, mais il doit protéger les petits contre leur mère, « car dès qu’elle les aperçoit, elle s’agite avec violence et semble faire tous ses efforts pour les détruire, malgré la résistance du père. Il est imprudent de remettre les parents ensemble pendant plusieurs mois après la couvée, car il en résulte de violentes querelles dont la femelle sort en général victorieuse[1]. » Cet Émeu nous offre donc l’exemple d’un renversement complet, non-seulement des instincts de la parenté et de l’incubation, mais encore des qualités morales habituelles des deux sexes ; les femelles sont sauvages, querelleuses et bruyantes, les mâles doux et tranquilles. Le cas est tout différent chez l’autruche d’Afrique, car le mâle, un peu plus grand que la femelle, a des plumes plus élégantes, avec des couleurs plus fortement accentuées ; néanmoins c’est lui qui se charge de tous les soins de l’incubation[2].

Je signalerai encore les quelques autres cas parvenus à ma connaissance, dans lesquels la femelle est plus brillamment colorée que le mâle, bien que nous n’ayons aucun renseignement sur le mode d’incubation. J’ai été très-surpris, en disséquant de nombreux Milvago leucurus des îles Falkland, de trouver que les individus aux teintes le plus accusées, et au bec et aux pattes de couleur orange, étaient des femelles adultes ; tandis que ceux à plumage plus terne et à pattes plus grises étaient des mâles ou des jeunes. La Climacteris erythrops femelle d’Australie diffère du mâle en ce qu’elle est ornée de magnifiques taches « rougeâtres, rayonnant sur la gorge, tandis que cette partie est très-simple chez le mâle ». Enfin, chez un engoulevent (Eurostopode) australien, « les femelles sont toujours plus grosses et plus vivement colorées que les mâles, qui, d’autre part, portent sur leurs rémiges primaires deux taches blanches plus marquées que chez les femelles[3]. »

  1. Voir l’excellente description des mœurs de cet oiseau en captivité, par A. W. Bennett, Land and Water, Mai 1868, p. 233.
  2. M. Sclater, sur l’incubation des Struthiones, Proc. Zool. Soc., June 9 1863. Il en est de même du Rhea Darwinii ; le capitaine Musters (At home with the Patagoneans, 1871, p. 128) dit que le mâle est plus grand, plus fort et plus rapide que la femelle et il affecte des teintes un peu plus foncées qu’elle ; cependant il se charge seul de veiller sur les œufs et sur les jeunes comme le fait le mâle de l’espèce commune de Rhea.
  3. Sur le Milvago, voir Zoology of the Voyage of the Beagle, Birds, p. 16, 1841. Pour le Climacteris et l’Eurostopodus, voir Gould, Handbook of the Birds of Australia, vol. I, p. 602 et 97. La Tordona variegata de la Nouvelle-Zélande offre un cas tout à fait anormal : la tête de la femelle est blanc pur, et son dos plus rouge que celui du mâle ; la tête de celui-ci a une riche teinte bronze foncé, et son dos est revêtu de plumes de couleur ardoisée, finement striées, de sorte