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Il ne faut pas confondre ces cas avec ceux où des femelles malades ou vieillies révèlent des caractères masculins, ou avec ceux où des femelles, parfaitement fécondes d’ailleurs, acquièrent pendant leur jeunesse, par variation ou par quelque cause inconnue, les caractères propres au mâle[1]. Mais tous ces cas ont ceci de commun qu’ils dépendent, dans l’hypothèse de la pangenèse, de gemmules dérivées de toutes les parties du mâle, gemmules présentes, bien qu’à l’état latent, chez la femelle, et qui ne se développent chez elle que par suite de quelque léger changement apporté aux affinités électives de ses tissus constituants.


Ajoutons quelques mots sur les rapports qui existent entre la saison de l’année et les modifications de plumage. Les raisons que nous avons déjà indiquées nous permettent de conclure que les plumes élégantes, les pennes longues et pendantes, les huppes et les aigrettes des hérons et de beaucoup d’autres oiseaux, qui se développent et se conservent seulement pendant l’été, ne servent exclusivement qu’à des usages décoratifs et nuptiaux, bien que communs aux deux sexes. La femelle devient ainsi, pendant la période de l’incubation, plus voyante qu’elle ne l’est pendant l’hiver ; mais des oiseaux comme les hérons sont à même de se défendre. Toutefois, comme ces plumes deviennent probablement gênantes et certainement inutiles pendant l’hiver, il est possible que la sélection naturelle ait provoqué une mue bisannuelle dans le but de débarrasser ces oiseaux d’ornements incommodes pendant la mauvaise saison. Mais cette hypothèse ne peut s’étendre aux nombreux échassiers chez lesquels les plumages d’été et d’hiver diffèrent très-peu au point de vue de la coloration. Chez les espèces sans défense, espèces chez lesquelles les individus des deux sexes, ou les mâles seuls, deviennent très-brillants pendant la saison des amours, — ou lorsque les mâles acquièrent à cette occasion des rectrices ou des rémiges de nature, par leur longueur, à empêcher ou à retarder leur vol, comme chez les Cosmetorus et chez les Vidua, — il paraît, au premier abord, très-probable que la seconde mue a été acquise dans le but spécial de dépouiller ces ornements. Nous devons toutefois rappeler que beaucoup d’oiseaux, tels que les oiseaux de paradis, le faisan argus et le paon, ne dépouillent pas leurs

    acquiert rarement une houppe dans l’Illinois. M. R.-F. Sharp a cité, Proc. Zool. Soc., 1872, p. 496, des faits analogues relatifs à la femelle du Petrocossyphur.

  1. M. Blyth (traduction du Règne animal de Cuvier, en anglais, p. 158) rapporte divers exemples chez les Lanius, Ruticilla, Linaria. Audubon cite aussi un cas semblable (Ornith. Biogr., vol. V, p. 519) relatif à un Pirangua æstiva.