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ont été, dans la plupart des cas, déterminées par une même cause générale : la sélection sexuelle.

Ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, il n’est guère probable que de légères différences de coloration entre les individus des deux sexes puissent avoir aucune utilité comme moyen de sécurité pour la femelle. Admettons toutefois qu’elles en aient une, on pourrait les regarder alors comme des cas de transition ; mais nous n’avons aucune raison de croire qu’un grand nombre d’espèces soient, à un moment quelconque, en voie de changement. Nous ne pouvons donc guère admettre que les nombreuses femelles qui, au point de vue de la coloration, diffèrent très-peu du mâle, soient actuellement toutes en voie de devenir plus sombres pour s’assurer une plus grande sécurité. Si nous considérons même des différences sexuelles un peu plus prononcées, est-il probable, par exemple, que la lente action de la sélection naturelle ait agi sur la tête du pinson femelle, du poitrail écarlate du bouvreuil femelle, sur la coloration verte du verdier femelle, sur la huppe du roitelet huppé femelle, afin de rendre ces parties moins brillantes pour assurer à l’oiseau une plus grande sécurité ? Je ne puis le croire, et je l’admets encore moins pour les légères différences existant entre les mâles et les femelles des oiseaux qui construisent des nids cachés. D’autre part, les différences de coloration entre les individus des deux sexes, qu’elles soient grandes ou petites, peuvent s’expliquer dans une large mesure, par le principe que des variations successives, provoquées chez les mâles par la sélection sexuelle, ont été, dès l’origine, plus ou moins limitées dans leur transmission aux femelles. Quiconque a étudié les lois de l’hérédité, ne doit pas s’étonner de voir le degré de limitation différer dans les diverses espèces d’un même groupe, car ces lois ont une complexité telle que, dans notre ignorance, elles nous paraissent capricieuses dans leurs manifestations[1].

Autant que j’ai pu m’en assurer, il existe très-peu de groupes d’oiseaux, contenant un nombre considérable d’espèces, chez lesquels les individus mâles et femelles de toutes les espèces affectent des couleurs brillantes et se ressemblent absolument ; cependant M. Sclater affirme que les musophages semblent être dans ce cas. Je ne crois pas non plus qu’il existe aucun groupe considérable chez lequel les mâles et les femelles de toutes les espèces diffèrent beaucoup au point de vue de la coloration : M. Wallace affirme que les Cotingidés de l’Amérique du Sud en offrent un des meilleurs exemples ; cependant, chez quelques espèces où le mâle a la gorge

  1. Voir les remarques dans mon ouvrage de la Variation des Animaux, etc., vol. II, chap. xii.