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de citer ici les groupes suivants qui nous sont les plus familiers ; les martins-pêcheurs, les toucans, les trogons, les capitonides, les musophages, les pies et les perroquets. M. Wallace croit que les mâles de ces divers groupes ont graduellement acquis leurs vives couleurs grâce à l’intervention de la sélection sexuelle et les ont transmises aux femelles ; la sélection naturelle ne les a pas éliminées chez ces dernières, par suite de la sécurité que leur assurait déjà le mode de nidification. En vertu de cette théorie, les femelles avaient, avant de revêtir de vives couleurs, adopté un mode particulier pour la construction de leur nid. Il me semble plus probable que, dans la plupart des cas, les femelles, à mesure qu’elles devenaient plus brillantes en revêtant graduellement les belles couleurs du mâle, ont dû peu à peu modifier leurs instincts (en supposant qu’elles aient primitivement construit des nids ouverts) et chercher à se protéger davantage en recouvrant leurs nids au moyen d’un dôme ou en les dissimulant avec soin. Quiconque a lu attentivement, par exemple, les remarques que fait Audubon sur les différences que présentent les nids d’une même espèce, selon que cette espèce habite le nord ou le sud des États-Unis[1], ne peut éprouver aucune difficulté à admettre que les oiseaux ont pu être facilement amenés à modifier la construction de leurs nids, soit par un changement de leurs habitudes dans le sens rigoureux du mot, soit par la sélection naturelle des prétendues variations spontanées de l’instinct.

Cette hypothèse sur les rapports qui existent entre la coloration brillante des oiseaux femelles et le mode de nidification, se trouve confirmée par certains cas analogues qu’on observe dans le désert du Sahara. Là, comme dans la plupart des déserts, la coloration des oiseaux et de beaucoup d’autres animaux s’adapte admirablement aux teintes de la surface environnante. On remarque cependant, d’après le Rév. Tristram, quelques curieuses exceptions à la règle ; ainsi le Monticola cyanea mâle affecte une vive coloration bleue, et la femelle, au plumage pommelé de brun et de blanc, est presque aussi remarquable que lui ; les mâles et les femelles de deux espèces de Dromolæa sont noir brillant. La coloration de ces trois espèces d’oiseaux ne constitue assurément pas une protection ; ils survivent cependant parce qu’ils ont l’habitude, en présence du moindre danger, de se réfugier dans des trous ou dans des crevasses de rochers.

Quant aux groupes d’oiseaux dont nous venons de parler, grou-

  1. Voy. des faits nombreux dans l’Ornithol. Biography. Voir aussi quelques observations curieuses sur les nids des oiseaux italiens, par Eug. Bettoni, dans Atti della Società italiana, vol. XI, 1869, p. 487.