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comme types du degré d’apparence qui n’expose pas trop la femelle quand elle couve, les couleurs des femelles du chardonneret, du bouvreuil ou du merle, sur les quarante oiseaux dont nous avons parlé, il n’y en a que douze à peine qu’on puisse considérer comme apparents à un degré dangereux, les vingt-huit autres le sont peu[1]. Il n’existe pas non plus de rapport intime entre une différence bien marquée de couleur, entre les mâles et les femelles et le genre de nid construit. Ainsi le moineau ordinaire mâle (Passer domesticus) diffère beaucoup de la femelle ; le moineau mâle des arbres (P. montanus) en diffère à peine, et cependant tous deux construisent des nids bien cachés. Les deux sexes du gobe-mouche commun (Muscicapa griseola) peuvent à peine se distinguer l’un de l’autre, tandis que ceux du M. luctuosa différent beaucoup ; or tous deux font leur nid dans des trous ou le dissimulent avec soin, La femelle du merle (Turdus merula) diffère beaucoup, celle du merle à plastron (T. torquatus) moins, et la femelle de la grive commune (T. musicus) presque pas de leurs mâles respectifs, et toutes construisent des nids ouverts. D’autre part, le merle d’eau (Cinclus aquaticus), qui se rapproche de ces espèces, construit un nid à dôme, les sexes différant à peu près autant que dans le T. torquatus. Le grouse noir et le grouse rouge (Tetrao tetrix et T. scoticus) construisent des nids ouverts sur des points également bien cachés, mais les sexes diffèrent beaucoup chez une espèce et très-peu chez l’autre.

Malgré les considérations qui précèdent, la lecture du savant mémoire de M. Wallace entraîne la conviction que, si on considère l’ensemble des oiseaux du monde, la grande majorité des espèces dont les femelles affectent des couleurs brillantes, et dans ce cas les mâles sont, à peu d’exceptions près, également brillants, construisent des nids cachés pour plus de sécurité. M. Wallace cite[2] une longue liste des groupes où cette règle s’applique ; il nous suffira

  1. J’ai consulté sur ce sujet l’ouvrage de Macgillivray, British Birds, et bien qu’on puisse, dans quelques cas, élever des doutes sur les rapports existant entre le degré de la dissimulation du nid et celui de l’apparence de la femelle cependant des oiseaux suivants, pondant tous leurs œufs dans des cavités ou dans des nids couverts, ne peuvent guère passer pour apparents d’après le type précité : ce sont, deux espèces de Passer ; le Sturnus dont la femelle est considérablement moins brillante que le mâle ; le Cincle ; le Motacilla boarula (?) ; l’Erythacus (?) ; le Fruticola, deux espèces ; le Saxicola ; le Mecistura ; l’Anorthura ; le Certhia ; le Sitta, le Yunx, le Muscicapa, deux espèces ; l’Hirundo, trois espèces ; et le Cypselus. Les femelles des douze oiseaux suivants peuvent être aussi considérées comme apparentes : Pastor, Moacilla alba, Parus major et P. cæruleus ; Upupa, Picus, quatre espèces de Coracias, Alcedo et Merops.
  2. Journal of Travel, vol. I, p. 78.