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M. Wallace fait observer avec beaucoup de raison que la construction des nids dans des cavités ou sous forme de dôme offre aux oiseaux, outre l’avantage de les cacher aux regards, plusieurs autres commodités, telles qu’un abri contre la pluie ou contre le froid, et, dans les pays tropicaux, une protection contre les rayons du soleil[1] ; en conséquence, on ne peut guère objecter à l’hypothèse qu’il soutient que beaucoup d’espèces où les individus des deux sexes ne portent que des teintes obscures construisent des nids cachés[2]. Les calaos femelles (Buceros) de l’Inde et de l’Afrique se protègent avec le plus grand soin pendant l’incubation, car elles cimentent avec leurs excréments l’ouverture extérieure de la cavité où la femelle repose sur ses œufs, en n’y ménageant qu’un petit orifice par lequel le mâle lui passe des aliments ; elle reste donc captive pendant toute la durée de l’incubation[3] ; et, cependant, les calaos femelles n’affectent pas des couleurs plus voyantes que beaucoup d’autres oiseaux de la même taille dont les nids sont à découvert. On peut faire à M. Wallace une objection plus sérieuse, qu’il admet d’ailleurs lui-même : dans quelques groupes où les mâles affectent des couleurs brillantes et les femelles des teintes sombres, ces dernières couvent cependant dans des nids à dôme ; ainsi, par exemple, les grallines d’Australie, les superbes malurides du même pays, les nectarinées et plusieurs méliphagides australiens[4].

Si nous considérons les oiseaux de l’Angleterre, nous voyons qu’il n’existe aucune relation intime et générale entre les couleurs de la femelle et le genre de nid qu’elle construit. Il y en a environ une quarantaine (à part les grandes espèces capables de se défendre) qui nichent dans les cavités des terrasses, des rochers, des arbres, ou qui construisent des nids à dôme. Si nous prenons

    d’un bleu foncé, avec les reins rougeâtres ; la femelle du Lampornis porphyrurus est d’un vert noirâtre en dessus, avec les côtés de la gorge écarlates ; L’Eulampis jugularis femelle a le sommet de la tête et du dos verts, avec les reins et la queue cramoisis. On pourrait encore citer beaucoup d’exemples de femelles très-apparentes par leur coloration ; voir le magnifique ouvrage de M. Gould sur cette famille.

  1. Au Guatemala, M. Salvin (Ibis), 1864, p. 373, a remarqué que les oiseaux-mouches quittaient beaucoup moins volontiers leur nid pendant un temps très-chaud, sous un soleil ardent, que pendant un temps frais, nuageux ou pluvieux.
  2. J’indiquerai, comme exemples d’oiseaux de couleurs sombres construisant des nids dissimulés, les espèces appartenant à huit genres australiens décrites par Gould, dans Handbook of Birds of Australia, vol. I, p. 340, 362, 365, 383, 387, 389, 391, 414.
  3. M. C. Hornes, Proc. Zool. Soc., 1869, p. 243.
  4. Voir sur la nidification et les couleurs de ces dernières espèces, Gould, Handbook, etc., p. 504, 527.