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lément le plus important pour l’œuvre de la sélection. Les caractères sexuels secondaires sont éminemment sujets à varier, tant chez les animaux à l’état sauvage que chez ceux réduits à l’état domestique[1]. On pourrait presque affirmer aussi, comme nous l’avons vu dans le huitième chapitre, que les variations surgissent plus fréquemment chez les mâles que chez les femelles. Toutes ces conditions viennent puissamment à l’aide de la sélection sexuelle. J’espère démontrer, dans le chapitre suivant, que la transmission des caractères ainsi acquis à un des sexes ou à tous les deux dépend exclusivement, dans la plupart des cas, de la forme d’hérédité qui prévaut dans les groupes en question.

Il est quelquefois difficile de déterminer si certaines différences légères entre les mâles et les femelles proviennent uniquement d’une variation avec hérédité limitée à un sexe seul, sans le concours de la sélection sexuelle, ou si ces différences ont été augmentées par l’intervention de cette dernière cause. Je ne m’occupe pas ici des nombreux cas où le mâle affecte de magnifiques couleurs ou d’autres ornements, qui n’existent chez la femelle que dans de très-minimes proportions, car, dans ces cas, on se trouve presque certainement en présence de caractères primitivement acquis par le mâle, et transmis dans une plus ou moins grande mesure à la femelle. Mais que penser relativement à certains oiseaux chez lesquels, par exemple, les yeux diffèrent légèrement de couleur selon le sexe[2] ? Dans quelques cas, la différence est très-prononcée ; ainsi, chez les cigognes du genre Xenorhynchus, les yeux du mâle sont couleur noisette noirâtre, tandis que ceux des femelles affectent une teinte jaune gomme-gutte ; chez beaucoup de calaos (Buceros), d’après M. Blyth[3], les mâles ont les yeux rouge cramoisi, et les femelles les ont blancs. Chez le Buceros bicornis, le bord postérieur du casque et une raie sur la crête du bec sont noirs chez le mâle, mais non pas chez la femelle. Devons-nous attribuer à l’intervention de la sélection sexuelle la conservation ou l’augmentation de ces taches noires et de la couleur cramoisie des yeux chez les mâles ? Ceci est fort douteux, car M. Bartlett m’a fait voir, aux Zoological Gardens, que l’intérieur de la bouche de ce Buceros est noir chez le mâle, et couleur chair chez la femelle ; or, il n’y a rien là qui soit de nature à affecter ni la beauté, ni l’apparence extérieure de ces

  1. Voir, sur ces points, Variation des Animaux, etc., vol. I, p. 269 ; et vol. II, p. 78-80.
  2. Exemples des iris de Podica et Gallicrex dans Ibis, vol. II, 1860, p. 206 ; et vol. v, 1863, p. 426.
  3. Jerdon, o. c., vol. I, p. 243-245.