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le premier mâle qu’elle rencontre ; mais, comme elle est presque invariablement poursuivie par un nombre plus ou moins considérable de mâles, elle a tout au moins l’occasion d’exercer un choix. Audubon, — nous ne devons pas oublier qu’il a passé sa vie à parcourir les forêts des États-Unis pour observer les oiseaux, — affirme positivement que la femelle choisit son mâle. Ainsi, il assure que le pic femelle est suivie d’une demi-douzaine de prétendants qui ne cessent d’exécuter devant elle les gambades les plus bizarres jusqu’à ce que l’un d’eux devienne l’objet d’une préférence marquée. La femelle de l’étourneau à ailes rouges (Agelæus phœniceus) est également poursuivie par plusieurs mâles, jusqu’à ce que, fatiguée, elle se pose, reçoit leur hommage et fait son choix. » Il raconte encore que plusieurs engoulevents mâles plongent dans l’air avec une rapidité étonnante, se retournent brusquement et produisent ainsi un bruit singulier ; « mais, aussitôt que la femelle a fait son choix, les autres mâles disparaissent. » Certains vautours (Cathartes aurea) des États-Unis se réunissent par bandes de huit à dix mâles et femelles sur des troncs d’arbres tombés, « ils se font évidemment la cour, » et, après bien des caresses, chaque mâle s’envole avec une compagne. Audubon a également observé les bandes sauvages d’oies du Canada (Anser Canadensis), et nous a laissé une excellente description de leurs gambades amoureuses ; il constate que les oiseaux précédemment accouplés « se courtisent de nouveau dès le mois de janvier, pendant que les autres continuent tous les jours à se disputer pendant des heures, jusqu’à ce que tous semblent satisfaits de leur choix ; dès que ce choix est fait, la bande reste réunie ; mais chaque couple fait en quelque sorte bande à part. J’ai observé aussi que les préliminaires de l’accouplement sont d’autant moins longs que les oiseaux sont plus âgés. Les célibataires des deux sexes, soit par regret, soit pour ne pas être dérangés par le bruit, s’éloignent et vont se poser à quelque distance des autres[1]. » On pourrait emprunter au même observateur bien des remarques analogues sur d’autres oiseaux.

Passons maintenant aux oiseaux domestiques et captifs ; je résumerai d’abord les quelques renseignements que j’ai pu me procurer sur l’attitude des oiseaux appartenant aux races gallines pendant qu’ils se font la cour. J’ai reçu à ce sujet de longues lettres de M. Hewitt et de M. Tegetmeier, ainsi qu’un mémoire de feu M. Brent, tous assez connus par leurs ouvrages pour que personne

  1. Audubon, Ornith. Biog., vol. I, p. 191, 349, vol. II, p. 42, 275, vol. III, p. 2.