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je me propose de citer tous les faits que j’ai pu recueillir relativement aux préférences dont certains mâles sont l’objet de la part des femelles. On a prouvé que des oiseaux appartenant à des espèces distinctes s’accouplent quelquefois à l’état sauvage et produisent des hybrides. On pourrait citer beaucoup d’exemples de ce fait ; ainsi, Macgillivray raconte qu’un merle mâle et une grive femelle se sont amourachés l’un de l’autre et ont produit des descendants[1]. On a observé en Angleterre, il y a quelques années, dix-huit cas d’hybrides entre le tétras noir et le faisan[2] ; mais la plupart de ces cas peuvent s’expliquer peut-être par le fait que des oiseaux solitaires n’avaient pas trouvé à s’accoupler avec un individu de leur propre espèce. M. Jenner Weir croit que chez d’autres espèces les hybrides résultent parfois de rapports accidentels entre des oiseaux construisant leur nid l’un auprès de l’autre. Mais cette explication ne peut s’appliquer aux cas si nombreux et si connus d’oiseaux apprivoisés ou domestiques, appartenant à des espèces différentes, qui se sont épris absolument les uns des autres, bien qu’entourés d’individus de leur propre espèce. Waterton[3], par exemple, raconte qu’une femelle appartenant à une bande composée de vingt-trois oies du Canada s’accoupla avec une bernache mâle, bien qu’il fût seul de son espèce dans la bande et très-différent sous le rapport de l’apparence et de la taille ; ce couple engendra des produits hybrides. Un canard siffleur mâle (Mareca penelope), vivant avec des femelles de son espèce, s’accoupla avec une sarcelle (Querquedula acuta). Lloyd a observé un cas d’attachement remarquable entre un Tadorna vulpanser et un canard commun. Nous pourrions citer bien d’autres exemples ; le rév. E. S. Dixon fait, d’ailleurs, remarquer que « ceux qui ont eu l’occasion d’élever ensemble beaucoup d’oies d’espèces différentes savent bien quels attachements singuliers peuvent se former, et combien elles sont sujettes à s’accoupler et à produire des jeunes avec des individus d’une race (espèce) différente de la leur, plutôt qu’avec la leur propre ».

Le rév. W. D. Fox a élevé en même temps une paire d’oies de Chine (Anser cygnoïdes) et un mâle de la race commune avec trois femelles. Les deux lots restèrent séparés jusqu’à ce que le mâle

  1. Hist. of Brit. Birds, vol. II, p. 92.
  2. Zoologist, 1853-54, p. 3946.
  3. Waterton, Essays on Nat. Hist., 2e sér., p. 42, 117. Pour les assertions suivantes, voir sur le siffleur, Loudon, Mag. of Nat. Hist., vol. IX, p. 616 ; Lloyd, Scandinavian Adventures, vol. I, 1854, p. 452 ; Dixon, Ornamental and Domestic Poultry, p. 137 ; Hewitt, Journ. of Horticulture, 1863, p. 40 ; Bechstein, Stubenvögel, 1840, p. 230.