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que, selon toute probabilité, on peut expliquer la plupart des cas que nous venons de signaler[1]. Il est néanmoins singulier que, dans une même localité, au plus fort de la saison de la reproduction, il y ait autant de mâles et de femelles toujours prêts à compléter un couple dépareillé. Pourquoi ces oiseaux de rechange ne s’accouplent-ils pas immédiatement les uns avec les autres ? N’aurions-nous pas quelque raison de supposer, avec M. Jenner Weir, que, malgré la cour longue et quelque peu pénible que se font les oiseaux, certains mâles et certaines femelles ne réussissent pas à se plaire en temps opportun et ne s’accouplent par conséquent pas ? Cette supposition paraîtra un peu moins improbable quand nous aurons vu quelles antipathies et quelles préférences les femelles manifestent quelquefois pour certains mâles.


Facultés mentales des oiseaux et leur goût pour le beau. — Avant de pousser plus loin la discussion de cette question : les femelles choisissent-elles les mâles les plus attrayants, ou acceptent-elles le premier venu ? il convient d’étudier brièvement les aptitudes mentales des oiseaux. On pense ordinairement, et peut-être justement, que les oiseaux possèdent des aptitudes au raisonnement très-incomplètes ; on pourrait cependant citer certains faits[2] qui sembleraient autoriser une conclusion contraire. Des facultés inférieures de raisonnement sont toutefois, ainsi que nous le voyons dans l’humanité, compatibles avec de fortes affections, une perception subtile

    quelques oiseaux, voir Jenner, Phil. Trans., 1824. Quant aux oiseaux vivant par groupes de trois, M. Jenner Weir m’a fourni les cas de l’étourneau et des perroquets ; M. Fox, ceux des perdrix. Sur les corbeaux, voir Field, 1868, p. 415. Consulter sur les oiseaux mâles chantant après l’époque voulue, Rev. L. Jenyns, Observ. in Nat. Hist., 1846, p. 87.

  1. Le cas suivant (Times, août 6, 1808) a été cité par le Rev. F. O. Morris sur l’autorité du Rev. O. W. Forester : « Le garde a trouvé cette année un nid de faucons contenant cinq petits. Il en enleva quatre qu’il tua, et en laissa un auquel il coupa les ailes pour servir d’amorce afin de détruire les vieux. Il les tua tous deux le lendemain pendant qu’ils apportaient de la nourriture au jeune, et le garde crut que tout était fini. Le lendemain, il revint vers le nid et y trouva deux autres faucons charitables qui étaient venus au secours de l’orphelin ; il les tua également. Revenant plus tard il retrouva encore deux autres individus remplissant les mêmes fonctions que les premiers ; il les tira tous les deux, et en abattit un ; l’autre, bien qu’atteint, ne put être retrouvé. Il n’en revint plus pour entreprendre cette inutile tentative. »
  2. Le prof. Newton a bien voulu me signaler le passage suivant de M. Adam (Travels of A naturalist, 1870, p. 278) : « Au lieu de donner à une sittelle japonaise la noix assez tendre de l’if, sa nourriture ordinaire, je lui donnai des noisettes dures. L’oiseau fit de nombreux efforts sans pouvoir les briser ; enfin il les déposa l’une après l’autre dans un vase plein d’eau, évidemment avec la pensée qu’après avoir trempé quelque temps, elles deviendraient plus molles ; c’est là une preuve intéressante de l’intelligence de ces oiseaux. »