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dans le courant de la même journée. M. Engleheart a tué pendant plusieurs années un des membres d’un couple d’étourneaux qui faisait son nid dans un trou d’une maison à Bleckheath, mais le mort était toujours immédiatement remplacé. D’après des notes prises pendant une saison, il constata qu’il avait tué trente-cinq oiseaux des deux sexes, appartenant au même nid, mais sans tenir un compte exact de la proportion des sexes : néanmoins, malgré cette véritable boucherie, il se trouva un couple pour élever une couvée[1].

Ces faits méritent certainement toute notre attention. Comment se fait-il que tant d’oiseaux se trouvent prêts à remplacer immédiatement un individu disparu ? Il semble au premier abord qu’il soit fort embarrassant de répondre à cette question, surtout quand il s’agit des pies, des geais, des corbeaux, des perdrix et de quelques autres oiseaux qu’on ne rencontre jamais seuls au printemps. Cependant, des oiseaux appartenant au même sexe, bien que non accouplés, cela va sans dire, vivent quelquefois par couples ou par petites bandes, comme cela se voit chez les perdrix et chez les pigeons. Les oiseaux vivent aussi quelquefois par groupes de trois, ce qui a été observé chez les sansonnets, chez les corbeaux, chez les perroquets et chez les perdrix. On a observé deux perdrix femelles vivant avec un seul mâle, et deux mâles avec une seule femelle. Il est probable que les unions de ce genre doivent se rompre facilement. On peut quelquefois entendre certains oiseaux mâles chanter leur chant d’amour longtemps après l’époque ordinaire, ce qui prouve qu’ils ont perdu leur compagne, ou qu’ils n’en ont jamais eu. La mort par accident ou par maladie d’un des membres du couple laisse l’autre seul et libre, et il y a raison de croire que, pendant la saison de la reproduction, les femelles sont plus spécialement sujettes à une mort prématurée. En outre, des oiseaux dont le nid a été détruit, des couples stériles ou des individus en retard, doivent pouvoir se quitter facilement, et seraient probablement heureux de prendre la part qu’ils peuvent aux plaisirs et aux devoirs attachés à l’élève des petits, en admettant même qu’ils ne leur appartiennent pas[2]. C’est par des éventualités de ce genre

  1. Sur le faucon, Thompson, Nat. Hist. of Ireland, Birds, vol. I, 1849, p. 39. Sur les hiboux, les moineaux et les perdrix, White, Nat. Hist. of Selborne, 1825, vol. I, p. 139. Sur le Phœnicura, Loudon, Mag. of Nat. Hist., vol. VII, 1834, p. 245, Brehm (Thierleben, vol. IV, p. 391) fait aussi allusion à des oiseaux trois fois accouplés le même jour.
  2. White (Nat. Hist. of Selborne, 1825, vol. I, p. 140), sur l’existence au commencement de la saison de petites couvées de perdrix mâles, ce dont on m’a communiqué d’autres exemples. Sur le retard des organes générateurs chez