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Le chant est, jusqu’à un certain point, comme nous l’avons démontré dans un chapitre précédent, un art qui se perfectionne beaucoup par la pratique. On peut enseigner divers airs aux oiseaux ; le moineau lui-même a pu apprendre à chanter comme une linotte. Les oiseaux retiennent le chant de leurs parents nourriciers[1], et quelquefois celui de leurs voisins[2]. Tous les chanteurs communs appartiennent à l’ordre des Insessores, et leurs organes vocaux sont beaucoup plus compliqués que ceux de la plupart des autres oiseaux ; il est cependant singulier qu’on trouve parmi les Insessores des oiseaux tels que les corneilles, les corbeaux et les pies, qui, bien que possédant l’appareil voulu[3], ne chantent jamais et qui, naturellement, ne font pas entendre de modulations de quelque étendue. Hunter[4] affirme que, chez les vrais chanteurs, les muscles du larynx sont plus puissants chez les mâles que chez les femelles, mais que, à cela près, on ne constate aucune différence entre les organes vocaux des deux sexes, bien que les mâles de la plupart des espèces chantent bien mieux et avec plus de suite que les femelles.

Il est à remarquer que les vrais chanteurs sont tous des petits oiseaux, à l’exception, toutefois, du genre australien Menura. Le Menura Alberti, en effet, qui atteint à peu près la taille d’un dindon arrivé à la moitié de sa croissance, ne se contente pas d’imiter le chant des autres oiseaux ; « il possède en propre un sifflement très-varié et très-beau. » Les mâles se rassemblent pour chanter dans des endroits choisis ; là ils redressent et étalent leur queue comme les paons, tout en abaissant leurs ailes[5]. Il est aussi fort singulier que les oiseaux chanteurs revêtent rarement de brillantes couleurs ou d’autres ornements. Le bouvreuil et le chardonneret exceptés, tous nos meilleurs chanteurs indigènes ont une coloration uniforme. Martins-pêcheurs, guêpiers, rolliers, huppes, pies, etc., n’émettent que des cris rauques, et les brillants oiseaux des tropiques ne sont presque jamais bons chanteurs[6]. Les vives couleurs et l’aptitude au chant ne vont pas ordinairement ensemble. Ces remarques nous autorisent à penser que, si le plumage n’est pas sujet

  1. Barrington, o. c., p. 264. Bechstein, o. c., p. 5.
  2. Dureau de la Malle cite l’exemple curieux (Ann. Sc. Nat., 3e  sér., Zool., vol, x, p. 118) de quelques merles sauvages de son jardin à Paris qui avaient naturellement appris d’un oiseau captif un air républicain.
  3. Bishop, dans Todd’s Cyclop, of Anal. et Phys., vol. IV, p. 1496.
  4. Affirmé par Arrington, Philos. Transact., 1773, p. 262.
  5. Gould, Handbook, etc., vol. I, 1865, pp. 308-310. Voir aussi T. W. Wood dans Student, avril 1870, p. 125.
  6. Gould, Introd. to Trochilidæ, 1861, p. 22.