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mâle de l’Inde, au contraire, est brun noirâtre, avec le ventre en partie noir, tandis que la femelle est rougeâtre ou jaune olive avec le ventre jaune uni ou marbré de noir. Chez le Tragaps dispar du même pays, le mâle affecte une teinte vert clair et la femelle des nuances bronzées[1]. Il est évident que les couleurs de quelques serpents constituent pour eux un moyen de protection ; les teintes vertes, par exemple, des serpents qui habitent les arbres, et les divers tons pommelés des espèces qui habitent les endroits sablonneux ; mais il est douteux que chez beaucoup d’espèces, telles que le serpent commun d’Angleterre ou la vipère, la couleur contribue à les dissimuler ; on peut en dire autant pour les nombreuses espèces exotiques qui affectent des couleurs brillantes avec la plus extrême élégance. Chez certaines espèces la coloration des jeunes diffère beaucoup de celle des adultes[2].

Les glandes odorantes anales des serpents fonctionnent activement pendant la saison des amours[3] ; il en est de même chez les lézards, et, comme nous l’avons vu, pour les glandes sous-maxillaires des crocodiles. La plupart des animaux mâles se chargent de chercher les femelles ; ces glandes odorantes servent donc probablement à exciter et à charmer ces dernières, plutôt qu’à les attirer vers le mâle. Les serpents mâles, bien que si inertes en apparence, ont des passions très-vives ; on peut, en effet, voir souvent plusieurs mâles se presser autour d’une seule femelle, quelquefois même quand elle est morte. On n’a pas observé qu’ils luttent les uns contre les autres, pour s’assurer la possession des femelles. Les aptitudes intellectuelles des serpents sont plus développées qu’on ne serait disposé à le croire. Les serpents des Zoological Gardens apprennent bientôt à ne plus mordre les barres de fer dont on se sert pour nettoyer leurs cages ; le docteur Keen, de Philadelphie, a remarqué que des serpents qu’il a élevés ont appris à éviter un nœud coulant après s’être laissé prendre quatre ou cinq fois. Un excellent observateur, M. E. Layard[4], a vu, à Ceylan, un Cobra passer la tête au travers d’un trou étroit, et avaler un crapaud. « Ne pouvant plus retirer sa tête par suite de cet obstacle, il dégorgea, avec regret, le précieux morceau qui commença à s’éloigner ; c’en était plus que ne pouvait supporter la philosophie du serpent, aussi reprit-il le crapaud ; mais, après de violents efforts pour se dégager, il fut encore une fois obligé d’abandonner sa proie ; il avait du

  1. Docteur A. Günther, Reptiles of Brit. India, Ray. Society, 1864, pp. 304, 308.
  2. Dr Stoliczka, Journ. of Asiatic Soc. of Bengal, vol. XXXIX 1870, pp. 205, 211.
  3. Owen, o. c., I, 615.
  4. Rambles in Ceylon, Ann. and Mag. of Nat. Hist., 2e  Sér., vol. IX, 1852, p. 333.