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Certains autres poissons mâles de l’Amérique du Sud et de Ceylan, appartenant à deux ordres distincts, ont l’habitude extraordinaire de couver dans leur bouche, ou dans leurs cavités branchiales, les œufs pondus par les femelles[1]. D’après M. Agassiz, les mâles des espèces de l’Amazone ayant la même habitude, « sont non-seulement plus brillants que les femelles en tout temps, mais surtout pendant la saison du frai. » Les diverses espèces de Geophagus agissent de même, et, dans ce genre, une protubérance marquée se développe sur le sommet de la tête des mâles pendant la saison du frai. Le professeur Agassiz a observé chez les diverses espèces de Chromides, des différences sexuelles de couleur, « soit qu’ils pondent leurs œufs parmi les plantes aquatiques, ou dans des trous, où ces œufs éclosent sans autres soins, soit qu’ils construisent dans la boue de la rivière des nids peu profonds, sur lesquels ils se posent, comme le Promotis. Il convient aussi de remarquer que ces espèces couveuses sont au nombre des plus brillantes dans leurs familles respectives ; l’Hygrogonus, par exemple, est vert éclatant, avec de grands ocelles noirs, cerclés du rouge le plus brillant. » On ignore si, chez toutes les espèces de Chromides, le mâle couve seul les œufs. Toutefois on ne saurait admettre que cette protection ou ce défaut de protection puisse avoir une influence quelconque sur les différences de couleurs entre les mâles et les femelles. En outre, il est évident que, dans tous les cas où les mâles se chargent exclusivement des soins à donner aux nids et aux jeunes, la destruction des mâles brillamment colorés aurait beaucoup plus d’influence sur le caractère de la race, que celle des femelles aussi brillamment colorées ; en effet, la mort du mâle, pendant la période d’incubation et d’élevage, entraînerait la mort des petits. Cependant, dans beaucoup de cas de ce genre, les mâles sont beaucoup plus brillamment colorés que les femelles.

Chez la plupart des Lophobranches (Hippocampa, etc.), les mâles sont pourvus de sacs marsupiaux ou dépressions hémisphériques de l’abdomen, dans lesquels ils couvent les œufs pondus par la femelle. Les mâles font preuve du plus grand attachement pour les jeunes[2]. La coloration des Lophobranches mâles et femelles ne diffère pas ordinairement beaucoup, le docteur Günther croit cependant que les Hippocampes mâles sont un peu plus brillants que les femelles. Le genre Solenostoma offre toutefois un cas ex-

  1. Prof. Wyman, Proc. Boston Soc. of Nat, Hist., Sept. 15, 1837. — W. Turner, Journ. of Anat. and Phys., Nov. 1866, p. 78. Le docteur Günther a aussi décrit d’autres cas.
  2. Yarrell, o. c., vol. II, p. 329, 338.