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est en leur pouvoir. Toutefois ce ne sont pas les différences sexuelles de cette nature qui ont pour nous le plus grand intérêt.

Presque tous les ordres comptent au nombre de leurs membres des mâles, appartenant même à des espèces faibles et délicates, qui sont très-belliqueux ; quelques-uns sont pourvus d’armes destinées à combattre leurs rivaux. La loi du combat n’est cependant pas aussi générale chez les insectes que chez les animaux supérieurs, aussi les mâles ne sont-ils pas souvent plus forts et plus grands que les femelles. Ils sont au contraire ordinairement plus petits, ce qui leur permet de se développer dans un laps de temps moins prolongé et de se trouver prêts en grand nombre lors de l’éclosion des femelles.

Dans deux familles d’Homoptères et dans trois familles d’Orthoptères, les mâles seuls possèdent à l’état actif des organes, qu’on peut qualifier de vocaux. Ces organes sont constamment en usage pendant la saison des amours, non seulement pour appeler les femelles, mais probablement aussi pour les séduire. Quiconque admet l’action de la sélection doit admettre aussi que la sélection sexuelle a amené la production de ces appareils musicaux. Dans quatre autres ordres, les individus appartenant à un sexe, ou plus ordinairement les mâles et les femelles, sont pourvus d’organes aptes à produire divers sons qui, selon toute apparence, ne sont que des notes d’appel. Alors même que les mâles et les femelles possèdent ces organes, les individus aptes à faire le bruit le plus fort et le plus continu doivent trouver à s’accoupler avant ceux qui sont moins bruyants, de sorte que, dans ce cas aussi, la sélection sexuelle a dû probablement déterminer la formation de ces organes. Il est instructif de songer à l’étonnante diversité des moyens que possèdent, pour produire des sons, les mâles seuls ou les mâles et les femelles de six ordres au moins. Ces divers faits nous permettent de comprendre quelle influence a dû exercer la sélection sexuelle pour déterminer des modifications de conformation qui, chez les Homoptères, portent sur des parties importantes de l’organisation.

Les faits signalés dans le dernier chapitre nous autorisent à conclure que les cornes développées chez beaucoup de Lamellicornes mâles et chez quelques autres coléoptères mâles constituent de simples ornements. La petitesse des insectes nous empêche, dans une certaine mesure, d’apprécier à sa juste valeur leur étonnante construction. Le Chalcosoma mâle (fig. 16, p. 325), avec sa cotte de mailles polie et bronzée, et ses grandes cornes complexes, amené aux dimensions d’un cheval ou seulement d’un chien, constituerait