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ger ; M. Jenner Weir croit, au contraire, que cette disposition est un moyen efficace qui leur permet d’échapper au danger ; les oiseaux, en effet, piquent ces surfaces mobiles et brillantes au lieu de saisir le corps de l’insecte, M. Weir, pour s’en assurer, introduisit dans une volière un vigoureux Triphæna pronuba, qui fut aussitôt pourchassé par un rouge-gorge ; mais l’attention de l’oiseau se porta sur les ailes brillantes de l’insecte et l’oiseau ne parvint à le capturer qu’après une cinquantaine de tentatives inutiles ; il n’avait réussi jusque-là qu’à arracher successivement des fragments des ailes. Il renouvela la même expérience en plein air avec un T. fimbria et une hirondelle ; mais il est probable que, dans ce cas, la grosseur de la phalène a contribué à en faciliter la capture[1]. Ces expériences nous rappellent un fait constaté par M. Wallace[2] ; le savant naturaliste a remarqué que, dans les forêts du Brésil et des îles de la Malaisie, un grand nombre de papillons communs et richement ornés ont un vol très-lent, malgré la grandeur démesurée de leurs ailes ; souvent, ajoute-t-il, « les ailes des papillons sont trouées et déchirées, comme s’ils avaient été saisis par des oiseaux auxquels ils ont pu échapper ; si les ailes avaient été plus petites relativement au corps, il est probable que l’insecte aurait été plus fréquemment frappé dans une partie vitale ; l’augmentation de la surface des ailes constitue donc indirectement une condition avantageuse. »


Étalage. — Les brillantes couleurs des papillons et de quelques phalènes sont tout spécialement disposées pour que l’insecte puisse en faire montre. Les couleurs brillantes ne sont pas visibles la nuit ; or il n’est pas douteux que, prises dans leur ensemble, les phalènes sont bien moins ornées que les papillons qui sont tous diurnes. Toutefois les membres de certaines familles, telles que les Zygænides, divers Sphingides, les Uranides, quelques Arctiides et quelques Saturnides, voltigent pendant le jour ou le soir au crépuscule, et presque toutes ces espèces revêtent des couleurs beaucoup plus brillantes que les espèces rigoureusement nocturnes. On connaît cependant quelques espèces à couleurs éclatantes[3] qui appartiennent à cette catégorie nocturne, mais ce sont là des cas exceptionnels.

  1. M. Weir, Transact. Ent. Soc., 1869, p. 23.
  2. Westminster Review, juillet 1867, p. 16.
  3. Le Lithosia, par exemple ; mais le professeur Westwood (Modern Class., etc., vol. II, p. 390) paraît surpris du cas. Sur les couleurs relatives des Lépidoptères diurnes et nocturnes, voir ibid., p. 333 et 392, et Harris, Treatise on the Insects of New England, 1842, p. 315.