Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/370

Cette page a été validée par deux contributeurs.

parence. Chez la femelle, toute la surface du segment est recouverte de petites saillies distinctes qui portent des piquants ; tandis que, chez le mâle, à mesure qu’on monte vers le sommet, ces saillies deviennent de plus en plus confluentes, régulières et nues ; de sorte que les trois quarts du segment sont couverts de saillies parallèles très-fines qui font absolument défaut chez la femelle. Toutefois, chez ces trois espèces d’Oryctes, lorsqu’on meut alternativement en avant et en arrière l’abdomen ramolli d’un individu, on peut déterminer un léger grincement ou un faible bruit strident.

On ne peut guère mettre en doute que, chez l’Heliopathes et chez l’Oryctes, le bruit strident que font entendre les mâles n’ait pour but l’appel et l’excitation des femelles ; mais, chez la plupart des coléoptères, ce bruit sert, selon toute apparence, comme moyen d’appel mutuel pour les deux sexes. Les coléoptères font entendre le même bruit quand ils sont agités par diverses émotions, de même que les oiseaux se servent de leur voix pour beaucoup d’usages autres que celui de chanter devant leurs compagnes. Le grand Chiasognathus fait entendre son bruit strident lorsqu’il se défie ou qu’il est en colère ; beaucoup d’individus d’espèces différentes agissent de même lorsqu’ils ont peur, alors qu’on les tient de façon qu’ils ne puissent s’échapper ; MM. Wollaston et Crotch, en frappant les troncs d’arbres creux dans les îles Canaries, ont pu y reconnaître la présence de coléoptères du genre Acalles, par les bruits qu’ils faisaient entendre. Enfin, l’Ateuchus mâle fait entendre ce même bruit pour encourager sa femelle au travail, et par chagrin lorsqu’on la lui enlève[1]. Quelques naturalistes croient que les coléoptères font entendre ce bruit pour effrayer leurs ennemis ; mais je ne peux croire qu’un son aussi léger puisse causer la moindre frayeur aux mammifères et aux oiseaux capables de dévorer les grands coléoptères pourvus d’enveloppes coriaces et dures. Le fait que les Anobium tessellatum répondent à leur tic-tac réciproque, ou, ainsi que je l’ai moi-même observé, répondent à des coups frappés artificiellement, confirme l’hypothèse que la stridulation sert d’appel sexuel. M. Doubleday a deux ou trois fois observé une femelle faisant son tic-tac[2], et au bout d’une heure ou deux,

  1. M. P. de la Brûlerie, cité par A. Murray, Journal of Travel, vol. II, 1868, p. 135.
  2. M. Doubleday assure que l’insecte produit ce bruit en s’élevant autant que possible sur ses pattes et en frappant cinq ou six fois de suite son thorax contre le corps sur lequel il est assis. Voir sur ce fait Landois, Zeitsch. für wissensch. Zoolog., vol. XVII, p. 131. Olivier, cité par Kirby et Spence, Introduction, etc., vol. II, p. 395), dit que le Pimelia striata femelle produit un son assez fort en frappant son abdomen contre une substance dure, « et que le mâle, obéissant à son appel, arrive, et l’accouplement a lieu. »