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cependant, qu’on puisse attribuer à cette cause leur grandeur démesurée. Nous avons vu que le Lucanus elaphus de l’Amérique du Nord s’en sert pour saisir la femelle. Leur élégance m’a aussi fait supposer qu’elles pouvaient constituer un ornement pour le mâle, au même titre que les cornes céphaliques et thoraciques des espèces dont nous avons parlé plus haut. Le Chiasognathus grantii mâle, du sud du Chili, — coléoptère magnifique appartenant à la même famille, — a des mandibules énormément développées (fig. 24) ; il est hardi et belliqueux, fait face du côté où on le menace, ouvre ses grandes mâchoires allongées, et fait entendre en même temps un bruit très-strident ; mais ses mandibules ne sont pas assez puissantes pour causer une véritable douleur quand il pince le doigt.

La sélection sexuelle, qui implique la possession d’une puissance perceptive considérable et des passions très-vives, paraît avoir joué un rôle plus important chez les Lamellicornes que chez aucune autre famille de coléoptères. Les mâles de quelques espèces possèdent des armes pour la lutte ; d’autres vivent par couples et se témoignent une grande affection ; beaucoup ont la faculté de produire des sons perçants lorsqu’on les excite ; d’autres portent des cornes extraordinaires, qui servent probablement d’ornement ; quelques-uns, qui ont des habitudes diurnes, affectent des couleurs très-brillantes ; enfin, la plupart des plus grands coléoptères appartiennent à cette famille que Linné et Fabricius avaient placée à la tête de l’ordre des Coléoptères[1].

Organes de stridulation. — On observe des organes de cette nature chez des coléoptères appartenant à de nombreuses familles très-éloignées et très-distinctes les unes des autres. Les sons qu’ils produisent sont perceptibles à quelques mètres de distance[2], mais ne sont point comparables à ceux que font entendre les Orthoptères. La partie qu’on pourrait appeler la râpe consiste ordinairement en une surface étroite, légèrement saillante, traversée de lignes parallèles fines, au point de provoquer parfois des couleurs irisées, et présentant, sous le microscope, un aspect des plus élégants. Dans quelques cas, chez le Typhæus, par exemple, on distingue parfaitement des proéminences écailleuses très-petites qui recouvrent toute la surface environnante en lignes à peu près parallèles ; ces proéminences, en se redressant et en se soudant, constituent les lignes saillantes ou côtes de la râpe, qui sont à la

  1. Westwood, o. c., vol. I, p. 184.
  2. Wollaston, On certain musical Curculionidæ (Annals and Mag. of Nat. Hist., vol. VI, 1860, p. 14).