Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/363

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les Staphylins appartenant à une même espèce. On observe un cas de dimorphisme chez le Siagonium, car on peut diviser les mâles en deux catégories, qui diffèrent beaucoup au point de vue de la grandeur du corps et du développement des cornes, sans qu’on trouve de gradations intermédiaires. Chez une autre espèce du genre Staphylin, le Bledius (fig. 23), on trouve, dans une même localité, des individus mâles chez lesquels, comme l’a constaté le professeur Westwood, « la corne centrale du thorax est très-développée, tandis que celles de la tête restent rudimentaires, et d’autres chez lesquels la corne thoracique est beaucoup plus courte, tandis que les protubérances situées sur la tête sont très-longues[1]. » C’est évidemment là un exemple de compensation de croissance, qui jette un grand jour sur la disparition des cornes supérieures chez les Onitis furcifer mâles.


Loi du combat. — Certains coléoptères mâles paraissent mal adaptés pour la lutte ; ils ne s’en battent pas moins avec leurs semblables pour s’emparer des femelles. M. Wallace[2] a vu deux Leptorhinchus augustatus mâles, une espèce de coléoptère linéaire, à trompe très-allongée, « combattre pour la possession d’une femelle qui se tenait dans le voisinage occupée à creuser un trou. Emportés par la colère, ils se poussaient l’un l’autre, se saisissaient par la trompe et se portaient des coups terribles. Bientôt, le mâle le plus petit abandonna le champ de bataille et, prenant la fuite, s’avoua vaincu. » Parfois aussi les mâles sont bien conformés pour la lutte, armés qu’ils sont de grosses mandibules dentelées, beaucoup plus fortes que celles des femelles. Nous pouvons citer, par exemple, le cerf-volant (Lucanus cervus) commun ; les mâles sortent de la chrysalide une semaine environ avant les femelles, de sorte que plusieurs mâles se mettent souvent à la poursuite d’une même femelle. Ils se livrent alors de terribles combats. M. A. H. Davis[3] enferma un jour dans une boîte deux mâles avec une seule femelle ; le plus grand mâle se précipita immédiatement sur le plus petit, et le pinça fortement jusqu’à ce qu’il eût renoncé à toutes prétentions. Un de mes amis, lorsqu’il était jeune, réunissait souvent des mâles pour les voir combattre ; il avait remarqué alors combien ils étaient

  1. Mod. Class., etc., vol. I, p. 172. On trouve sur la même page une description du Siagonium. J’ai trouvé au British Museum un Siagonium mâle dans un état intermédiaire ; le dimorphisme n’est donc pas absolu.
  2. The Malay Archipelago, vol. II, 1869, p. 276. Riley, Sixth report on Insects of Missouri, 1874, p. 115.
  3. Entomolog. Magazine, vol. I, 1833, p. 82. Voir, sur des luttes de cette nature, Kirby et Spence, o. c., vol. III, p. 314, et Westwood, o. c., vol. I, p. 187.