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teur de ma tête, et entouré de centaines de ces insectes, j’observai les femelles qui venaient tourner autour des mâles tambourinants. » Plus loin, il ajoute : « Un poirier nain de mon jardin a, pendant cette saison (août 1868), produit environ cinquante larves de Cic. pruinosa ; j’ai plusieurs fois constaté que les femelles viennent s’abattre près d’un mâle dès qu’il pousse ses notes perçantes. » Fritz Müller m’écrit, du Brésil méridional, qu’il a souvent assisté à une lutte musicale entre deux ou trois cigales mâles, doués d’une voix particulièrement forte et placés à des distances considérables les uns des autres. Dès que l’un a fini son chant, un second commence aussitôt, et après lui un troisième, et ainsi de suite. La rivalité étant excessive entre les mâles, il est probable que les sons qu’ils font entendre n’ont pas seulement pour objet d’appeler les femelles, mais que, celles-ci ; tout comme les oiseaux femelles, se laissent attirer et charmer par le mâle dont la voix a le plus d’attraits.

Je n’ai pas trouvé chez les Homoptères d’exemple bien prononcé de différences dans l’ornementation des individus des deux sexes. M. Douglas m’apprend que chez trois espèces anglaises, le mâle est noir ou rayé de noir, tandis que la femelle revêt une teinte uniforme ou sombre.


Ordre, Orthoptères. – Dans les trois familles sauteuses appartenant à cet ordre, les Achétides ou grillons, les Locustides et les Acridides ou sauterelles, les mâles se font remarquer par leurs aptitudes musicales. La stridulation produite par quelques Locustides est si puissante qu’elle peut s’entendre la nuit à plus d’un kilomètre de distance[1] ; il existe certaines espèces dont la stridulation ne déplaît pas aux oreilles humaines, car les Indiens des Amazones les élèvent dans des cages d’osier. Tous les observateurs s’accordent à dire que ces sons servent à appeler ou à exciter les femelles muettes. Körte[2] a observé un cas intéressant chez la sauterelle émigrante de Russie ; il s’agit d’un choix exercé par la femelle au profit d’un mâle. Le mâle de cette espèce (Pachytylus migratorius), accouplé avec une femelle, témoigne de sa colère ou de sa jalousie par des stridulations, lorsqu’un autre mâle approche. Le grillon domestique, surpris la nuit, se sert de sa voix pour avertir les autres[3]. Dans l’Amérique du Nord, le Katydid (Platyphyllum

  1. L.  Guilding, Trans. Linn. Soc., vol. XV, p. 154.
  2. J’emprunte cette assertion à Köppen, Ueber die Heuschrecken in Südrussland, 1866, p. 32, car j’ai inutilement essayé de me procurer l’ouvrage de Körte.
  3. Gilbert White, Nat. Hist. of Selborne, vol. II, 1825, p. 262.