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localités, car les Campylopterus hemileucurus, qui, dans une occasion, présentaient un rapport de 5 mâles pour 2 femelles, présentèrent, dans une autre occasion, exactement le rapport inverse[1]. Comme confirmation de ce dernier point, j’ajouterai que M. Powys a remarqué, à Corfou et en Épire, que les pinsons des deux sexes font bande à part, « et que les femelles sont beaucoup plus nombreuses ; » tandis qu’en Palestine M. Tristram remarqua « que les bandes de mâles paraissaient excéder considérablement en nombre celles des femelles[2]. » De même M. G. Taylor[3] dit du Quiscalus major qu’en Floride il y a « peu de femelles proportionnellement aux mâles, tandis que, dans le Honduras, le rapport étant renversé, l’espèce y affecte un caractère polygame. »


POISSONS


On ne peut, chez les poissons, déterminer les nombres proportionnels des sexes, qu’en les prenant à l’état adulte ou à peu près, et encore là se présente-t-il de nombreuses difficultés pour arriver à une conclusion exacte[4]. On peut facilement prendre des femelles stériles pour des mâles, ainsi que me l’a fait remarquer le docteur Günther, au sujet de la truite. Chez quelques espèces, on croit que les mâles meurent peu de temps après avoir fécondé les œufs. Chez un grand nombre d’espèces, les mâles sont beaucoup plus petits que les femelles, de sorte qu’un grand nombre peuvent échapper au filet dans lequel les femelles restent prises. M. Carbonnier[5], qui a beaucoup étudié l’histoire du brochet (Esox lucius), constate qu’un grand nombre de mâles sont, vu leur petitesse, dévorés par les grandes femelles ; il croit que, chez presque tous les poissons, les mâles sont, pour cette même cause, exposés à plus de dangers que les femelles. Néanmoins, dans les quelques cas où l’on a pu observer les nombres proportionnels réels, les mâles paraissaient être en excès. Ainsi M. R. Buist, le surveillant des expériences faites à Stormontfield, dit qu’en 1865, sur les 70 saumons envoyés d’abord pour fournir les œufs, plus de 60 étaient mâles. En 1867, il attire encore l’attention sur « l’énorme disproportion qui existe entre les mâles et les femelles. Au début nous avions dix mâles pour une femelle. » On se procura ensuite un nombre suffisant de femelles pour en avoir des œufs. Il ajoute « que la grande quantité des mâles fait qu’ils sont constamment occupés à se battre et à s’entre-déchirer sur les bancs de frai[6]. » On peut probablement expliquer, cette disproportion sinon totalement, au moins en partie, par le fait que les poissons mâles remontent les rivières avant les femelles. M. F. Buckland fait remarquer, au sujet de la truite, « qu’il est curieux que

  1. Ibis, vol. II, p. 260, cité dans Gould’s Trochilidæ, 1861, p. 52. J’ai emprunté les proportions ci-dessus à un tableau dressé par M. Salvin.
  2. Ibis, 1860, p. 137 et 1867, p. 369.
  3. Ibis, 1862, p. 137.
  4. Leuckart assure d’après Bloch (Wagner, Handvörterbuch der Phys., v. IV, 1853, p. 775) que chez les poissons, les mâles sont deux fois plus nombreux que les femelles.
  5. Cité dans le Farmer, 18, mars 1869, p. 369.
  6. The Stormontfield Piscicultural Experiments, 1866, p. 23. The Field, 29 juin 1867.