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caractères sont-ils héréditaires chez les deux sexes, et d’autres chez un seul, notamment chez celui où ils ont apparu en premier lieu ? C’est ce que, dans la plupart des cas, nous ignorons entièrement. Nous ne pouvons même conjecturer pourquoi, chez certaines sous-races du pigeon, des stries noires, bien que transmises par la femelle, se développent chez le mâle seul, alors que tous les autres caractères sont également transmis aux deux sexes. Pourquoi encore, chez les chats, la robe tigrée ne se développe-t-elle, à de rares exceptions près, que chez la femelle seule ? On a constaté que certains caractères, tels que l’absence d’un ou de plusieurs doigts ou la présence de doigts additionnels, la dyschromatopsie, etc., peuvent se transmettre dans telle famille aux hommes seuls, et dans telle autre aux femmes seules, bien que, dans les deux cas, ils soient transmis aussi bien par le même sexe que par le sexe opposé[1]. Malgré notre profonde ignorance, nous connaissons deux règles générales auxquelles il y a peu d’exceptions ; les variations, qui apparaissent pour la première fois chez un individu de l’un ou de l’autre sexe à une époque tardive de la vie, tendent à ne se développer que chez les individus appartenant au même sexe ; les variations qui se produisent, pendant les premières années de la vie, chez un individu de l’un ou de l’autre sexe, tendent à se développer chez les individus des deux sexes. Je ne prétends, cependant, pas dire que l’âge soit la seule cause déterminante. Comme je n’ai pas encore discuté ce sujet, je dois, en raison de la portée considérable qu’il a sur la sélection sexuelle, entrer ici dans des détails longs et quelque peu compliqués.

On conçoit facilement qu’un caractère apparaissant à un âge précoce tende à se transmettre également aux deux sexes. En effet, la constitution des mâles et des femelles ne diffère pas beaucoup, tant qu’ils n’ont pas acquis la faculté de se reproduire. Quand, au contraire, les individus des deux sexes sont assez âgés pour pouvoir se reproduire, et que leur constitution diffère beaucoup, les gemmules (si j’ose encore me servir du langage de la pangenèse) qu’émet chaque partie variable d’un individu possèdent probablement des affinités spéciales qui les portent à s’unir aux tissus d’un individu du même sexe, et à se développer chez lui plutôt que chez un individu du sexe opposé.

Un fait général m’a conduit à penser qu’il existe une relation de ce genre ; toutes les fois, en effet, et de quelque manière que le mâle adulte diffère de la femelle adulte, il diffère de la même façon des jeu-

  1. Variation des animaux, etc., vol. II, p. 76.