Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mâle, soit dans le combat, soit par les attraits qu’il peut présenter, il n’y a point de limite définie à l’étendue des modifications avantageuses ; de sorte que, tant que des variations favorables surgissent, la sélection sexuelle continue son œuvre. Cette circonstance peut expliquer en partie la fréquence et l’étendue extraordinaire de la variabilité que présentent les caractères sexuels secondaires. Néanmoins, la sélection naturelle doit s’opposer à ce que les mâles victorieux acquièrent des caractères qui leur deviendraient préjudiciables, soit parce qu’ils causeraient une trop grande déperdition de leurs forces vitales, soit parce qu’ils les exposeraient à de trop grands dangers. Toutefois, le développement de certaines conformations, — des bois, par exemple, chez certains cerfs, — a été poussé à un degré étonnant ; dans quelques cas même, à un degré tel que ces conformations doivent légèrement nuire au mâle, étant données les conditions générales de l’existence. Ce fait prouve que les mâles qui ont vaincu les autres mâles grâce à leur force ou à leurs charmes, ce qui leur a valu une descendance plus nombreuse, ont ainsi recueilli des avantages qui, dans le cours des temps, leur ont été plus profitables que ceux provenant d’une adaptation plus parfaite aux conditions d’existence. Nous verrons, en outre, ce qu’on n’eût jamais pu supposer, que l’aptitude à charmer une femelle a, dans quelque cas, plus d’importance que la victoire remportée sur d’autres mâles dans le combat.


LOIS DE L’HÉRÉDITÉ.


La connaissance des lois qui régissent l’hérédité, si imparfaite que soit encore cette connaissance, nous est indispensable pour bien comprendre comment la sélection a pu agir et comment elle a pu produire dans le cours des temps, chez beaucoup d’animaux de toutes classes, des résultats si considérables. Le terme « hérédité » comprend deux éléments distincts : la transmission des caractères et leur développement ; on omet souvent de faire cette distinction, parce que ces deux éléments se confondent ordinairement en un seul. Mais cette distinction devient apparente, quand il s’agit des caractères qui se transmettent pendant les premières années de la vie, pour ne se développer qu’à l’état adulte ou pendant la vieillesse. Elle devient plus apparente encore quand il s’agit des caractères sexuels secondaires qui, transmis aux individus des deux sexes, ne se développent que chez un seul. Le croisement de deux espèces, possédant des caractères sexuels bien tranchés, fournit la preuve évidente de ces caractères chez les deux sexes ; en effet, chaque