Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux sexes d’une même espèce semblent avoir été différemment affectés. Les couleurs de l’Agelœus phœniceus mâle sont devenues bien plus brillantes dans le sud ; chez le Cardinalis virginianus, ce sont les femelles qui ont subi une modification ; les Quiscalus major femelles révèlent des teintes très-variables, tandis que celles des mâles restent presque uniformes[1].

On signale, chez diverses classes d’animaux, certains cas exceptionnels ; c’est alors la femelle qui, au lieu du mâle, a acquis des caractères sexuels secondaires bien tranchés, des couleurs plus brillantes, une taille plus élancée, une force plus grande et des goûts plus belliqueux. Chez les oiseaux, comme nous le verrons plus tard, il y a quelquefois eu transposition complète des caractères ordinaires propres à chaque sexe ; les femelles, devenues plus ardentes, recherchent les mâles qui demeurent relativement passifs, mais qui choisissent probablement, à en juger par les résultats, les femelles les plus attrayantes. Certains oiseaux femelles sont ainsi devenus plus richement colorés, plus magnifiquement ornés, plus puissants et plus belliqueux que les mâles, caractères qui ne sont transmis qu’à la seule descendance femelle.

On pourrait supposer que, dans quelques cas, il s’est produit un double courant de sélection : les mâles auraient choisi les femelles les plus attrayantes, et, réciproquement, ces dernières auraient choisi les plus beaux mâles. Ces choix réciproques pourraient certainement déterminer la modification des deux sexes, mais ne tendraient pas à les rendre différents l’un de l’autre, à moins d’admettre que leur goût pour le beau ne différât ; mais c’est là une supposition trop improbable chez les animaux, l’homme excepté, pour qu’il soit nécessaire de s’y arrêter. Toutefois, chez beaucoup d’animaux, les individus des deux sexes se ressemblent, et possèdent des ornements tels que l’analogie nous conduirait à les attribuer à l’intervention de la sélection sexuelle. Dans ces cas, on peut supposer d’une manière plus plausible qu’il y a eu un double courant ou un courant réciproque de sélection sexuelle ; les femelles les plus vigoureuses et les plus précoces ont choisi les mâles les plus beaux et les plus vigoureux, et ceux-ci, de leur côté, ont repoussé toutes les femelles n’ayant pas des attraits suffisants. Mais, d’après ce que nous savons des habitudes des animaux, il est difficile de soutenir cette théorie, car le mâle s’empresse ordinairement de s’accoupler avec une femelle quelle qu’elle soit. Il est beaucoup plus probable que les ornements communs aux deux sexes ont été

  1. Mammals and Birds of Florida, pp. 234, 280, 295.