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organes des sens ou de la locomotion existent chez un sexe et font défaut chez l’autre, ou, ce qui est fréquent, sont plus développés chez un sexe que chez l’autre ; or, autant que j’ai pu le reconnaître, le mâle conserve ou possède presque toujours ces organes au plus haut degré de développement ; ce qui prouve que, dans les relations sexuelles, le mâle est le plus actif[1].

La femelle, au contraire, est, à de rares exceptions près, beaucoup moins ardente que le mâle. Comme le célèbre Hunter[2] l’a fait observer il y a bien longtemps, elle exige ordinairement « qu’on lui fasse la cour » ; elle est timide, et cherche pendant longtemps à échapper au mâle. Quiconque a étudié les mœurs des animaux a pu constater des exemples de ce genre. Divers faits que nous citerons plus loin, et les résultats qu’on peut attribuer à l’intervention de la sélection sexuelle, nous autorisent à conclure que la femelle, comparativement passive, n’en exerce pas moins un certain choix et accepte un mâle plutôt qu’un autre. Certaines apparences nous portent parfois à penser qu’elle accepte, non pas le mâle qu’elle préfère, mais celui qui lui déplaît le moins. L’exercice d’un certain choix de la part de la femelle paraît être une loi aussi générale que l’ardeur du mâle.

Ceci nous amène naturellement à rechercher pourquoi, dans tant de classes si distinctes, le mâle est devenu tellement plus ardent que la femelle, que ce soit lui qui la recherche toujours et qui joue le rôle le plus actif dans les préliminaires de l’accouplement. Il n’y aurait aucun avantage, il y aurait même une dépense inutile de force à ce que les mâles et les femelles se cherchassent mutuellement ; mais pourquoi le mâle joue-t-il presque toujours le rôle le plus actif ? Les ovules doivent recevoir une certaine alimentation pendant un certain laps de temps après la fécondation ; il faut donc que le pollen soit apporté aux organes femelles et placé sur le stigmate, soit par concours des insectes ou du vent, soit par les mouvements spontanés des étamines ; et, chez les algues, etc., par la locomotion des anthérozoïdes.

Chez les animaux d’organisation inférieure à sexes séparés qui

  1. D’après Westwood (Modern. Classif. of Insects, vol. II, p. 160), un insecte hyménoptère parasite constitue une exception à la règle, car le mâle n’a que des ailes rudimentaires et ne quitte jamais la cellule où il est né, tandis que la femelle a des ailes bien développées. Audouin croit que les femelles sont fécondées par les mâles nés dans les mêmes cellules qu’elles, mais il est probable que les femelles visitent d’autres cellules, évitant ainsi un croisement consanguin trop rapproché. Nous rencontrerons plus loin, dans divers groupes quelques cas exceptionnels où la femelle, au lieu du mâle, recherche l’accouplement.
  2. Essay and Observations, édités par Owen, vol. I, 1861, p. 194.