Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les mâles les plus vigoureux choisissent les femelles les plus attrayantes et les mieux constituées, et cela sera d’autant plus vrai, si le mâle vient en aide à la femelle et contribue à l’alimentation des jeunes. Les couples les plus vigoureux peuvent donc élever un plus grand nombre de petits, et cet avantage suffit certainement pour rendre la sélection sexuelle efficace. Cependant une grande prépondérance du nombre des mâles sur celui des femelles serait beaucoup plus efficace encore ; soit que cette prépondérance fût accidentelle et locale, ou permanente ; soit qu’elle eût lieu dès la naissance, ou qu’elle fût le résultat subséquent de la plus grande destruction des femelles ; soit enfin qu’elle fût la conséquence indirecte de la polygamie.


Les modifications sont généralement plus accusées chez le mâle que chez la femelle. — Lorsque les mâles diffèrent des femelles au point de vue de l’apparence extérieure, c’est, à de rares exceptions près, — et cette remarque s’applique à tout le règne animal, — le mâle qui a subi le plus de modifications ; en effet, la femelle continue ordinairement à ressembler davantage aux jeunes de l’espèce à laquelle elle appartient ou aux autres membres du même groupe. Presque tous les animaux mâles ont des passions plus vives que les femelles ; ce qui paraît être la cause de ces différences. C’est pour cela que les mâles se battent, et déploient avec tant de soin leurs charmes devant les femelles ; ceux qui l’emportent transmettent leur supériorité à leur postérité mâle. Nous aurons à examiner plus loin comment il se fait que les mâles ne transmettent pas leurs caractères à leur postérité des deux sexes. Il est notoire que, chez tous les mammifères, les mâles poursuivent les femelles avec ardeur. Il en est de même chez les oiseaux ; mais la plupart des oiseaux mâles cherchent moins à poursuivre la femelle qu’à la captiver ; pour y arriver, ils étalent leur plumage, se livrent à des gestes bizarres et modulent les chants les plus doux en sa présence. Chez les quelques poissons qu’on a observés, le mâle paraît être aussi beaucoup plus ardent que la femelle ; il en est évidemment de même chez les alligators et chez les batraciens. Kirby[1] a fait remarquer avec justesse que, dans toute l’immense classe des insectes, « le mâle recherche la femelle ». MM.  Blackwall et C. Spence Bate, deux autorités sur le sujet, m’apprennent que les araignées et les crustacés mâles ont des habitudes plus actives et plus vagabondes que les femelles. Chez certaines espèces d’insectes et de crustacés, les

  1. Kirby et Spence, Introd. to Entomology, vol. III, 1826, p. 342.